Hors collection - Droit civil 1re année - 126

DROIT cIvIL

Section 2
Le contrôle de constitutionnalité
298 Faut-il un contrôle de constitutionnalité ? Tocqueville (1805-1859) a bien mis en évidence
le dilemme qu'inspire la loi de la majorité : « je regarde comme impie et détestable cette
maxime, qu'en matière de gouvernement la majorité d'un peuple a le droit de tout faire, et
pourtant je place dans les volontés de la majorité l'origine de tous les pouvoirs. Suis-je en
contradiction avec moi-même ? » (De la démocratie en Amérique, 1835, vol. I, 2e partie, chap. vii).
Ainsi, permettre à un juge d'invalider une loi votée par les représentants du peuple, n'est-ce
pas une atteinte à la souveraineté populaire, mais en même temps un rempart indispensable
contre la tyrannie de la majorité ? Ce dilemme explique que le contrôle de constitutionnalité,
s'il a été consacré dans la Constitution de la ve République, obéissait en 1958 à un régime très
strict. Le général de Gaulle ne voulait pas d'une Cour suprême à l'américaine, qui rayonnerait
sur l'ensemble des institutions. Selon lui, la Cour suprême, « c'était le peuple ». Le contrôle
de constitutionnalité est alors très limité. Les réformes ultérieures ont toutefois élargi les
modalités du contrôle (I), tandis que le Conseil constitutionnel a renforcé l'autorité de ses
décisions (II).

I. Les modalités du contrôle
299 DC et QPC - Le Conseil constitutionnel est composé de 9 membres élus pour 9 ans.
Son président actuel est M. Laurent Fabius. Il faut savoir que le Conseil constitutionnel ne
se prononce pas seulement sur la constitutionnalité des lois. Il intervient également comme
juge de la régularité de l'élection du président de la République, des parlementaires, et des
referendums. Cette mission non normative ne nous retiendra pas. Pour s'en tenir au contrôle
de constitutionnalité, deux saisines sont possibles : la saisine a priori, c'est-à-dire avant la
promulgation de la loi (A) et, depuis 2008, la saisine a posteriori, à travers la QPC (B). Dans le
cas de la saisine a priori, le Conseil rend des décisions dites DC, tandis que dans le cadre de
la QPC, il rend des décisions dites QPC.

A. Le contrôle a priori
300 Le pouvoir de la minorité - Dans la Constitution de 1958, sauf lorsque le contrôle est
obligatoire (ex. pour les lois organiques, v. infra, n° 321), le Conseil constitutionnel ne pouvait
être saisi que par le président de la République, le Premier ministre et le Président des deux
assemblées. Le contrôle de constitutionnalité était donc conçu comme un recours exceptionnel, en cas de violation manifeste de la Constitution par le Parlement. C'est pourquoi
seules des autorités supérieures, garantes des institutions, pouvaient le saisir. Les statistiques
le prouvent : le Conseil n'a rendu que 5 décisions sur les lois ordinaires (contrôle facultatif),
pendant les 10 premières années de son existence. Tout change en 1974 : le nouveau président
de la République, Valery Giscard d'Estaing, décide d'ouvrir le contrôle a priori à 60 députés ou
sénateurs. Il devient donc possible pour l'opposition, qui ne s'en privera pas, d'alléguer que
la loi votée par la majorité est contraire à la Constitution. Le contrôle devient alors beaucoup

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