Hors collection - Droit civil 1re année - 149

Leçon 7 * La loi

interprétative qu'autant qu'elle se borne à reconnaître, sans rien innover, un état de droit
préexistant qu'une définition imparfaite a rendu susceptible de controverses (Cass. 3e civ.
27 févr. 2002, n° 00-17902, Bull. civ. III, n° 53). En outre, l'Assemblée plénière de la Cour de
cassation contrôle la rétroactivité de la loi interprétative, lorsqu'elle a vocation à s'appliquer
à une instance en cours. Ainsi, elle énonce que si le législateur peut adopter, en matière
civile, des dispositions rétroactives, le principe de prééminence du droit et la notion de procès
équitable, au sens de l'article 6 § 1 de la Convention EDH, s'opposent, sauf pour d'impérieux
motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice
dans le but d'influer sur le dénouement judiciaire des litiges, et ce même lorsque l'État n'est
pas partie au procès (Cass. ass. plén., 23 janv. 2004, n° 03-13617, Bull. civ. ass. plén. n° 2). En
l'espèce, une loi du 11 décembre 2001, dite loi MURCEF, était intervenue en cours d'instance
pour remettre en cause l'interprétation jurisprudentielle d'un article du Code de commerce
sur la révision des loyers commerciaux. En l'absence de motif impérieux d'intérêt général, la
loi ne peut pas s'appliquer aux procès en cours. On le voit, les lois interprétatives sont désormais sous le contrôle du juge, par le biais de la CEDH. Il en va de même des lois de validation.
353 Lois de validation - Les lois de validation visent à mettre un terme à un contentieux de
masse en validant rétroactivement une situation qui était irrégulière sous l'empire de la loi
ancienne. C'est ainsi, par exemple, qu'une loi de validation est intervenue dans la célèbre
affaire des tableaux d'amortissement. Le tableau d'amortissement constitue un document
délivré par une banque en présence d'un prêt, permettant à l'emprunteur de connaître, au
fur et à mesure des échéances, la ventilation du capital et des intérêts restant dus (au fur et
à mesure des remboursements, la part des intérêts décroît généralement). Il se trouve que
la Cour de cassation a estimé qu'en l'absence de remise d'un tel document, la banque était
déchue de son droit aux intérêts : la banque devait restituer les intérêts perçus, de sorte que
le prêt devenait purement et simplement gratuit (Cass. 1re civ., 16 mars 1994, n° 92-12239,
Bull. civ. I, n° 100). Les banques ont craint que tous les emprunteurs n'ayant pas reçu ce document s'engouffrent dans cette brèche et demandent la déchéance du droit aux intérêts. Après
un travail de lobbying, ils ont obtenu l'adoption d'une loi du 12 avril 1996 validant rétroactivement tous les prêts ne comportant pas de tableau d'amortissement. Cette rétroactivité a été
déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, en ce qu'elle répondait
à un motif d'intérêt général, celui de préserver l'équilibre financier des banques, et partant
de l'économie (Cons. const., 9 avr. 1996, n° 96-375 DC). La Cour de cassation, procédant
à un contrôle de conventionnalité sur le fondement de l'article 6§1, en a décidé de même
(Cass. 1re civ., 29 avr. 2003, n° 00-20062). Mais l'histoire ne s'arrête pas là. La Cour européenne des droits de l'homme a finalement jugé que cette rétroactivité constituait une atteinte
injustifiée et disproportionnée au droit au respect des biens tel que garanti par l'article 1er du
premier protocole additionnel (CEDH, 14 févr. 2006, n° 67847/01, Le Carpentier c. France).
Pour ce faire, elle estime qu'aucun élément ne vient étayer l'argument selon lequel l'impact
aurait été d'une telle importance que l'équilibre du secteur bancaire et l'activité économique
en général auraient été mis en péril. Une loi déclarée conforme à la Constitution peut donc
être contraire à la CEDH, ce qui montre, une fois de plus, l'autonomie des contrôles (v. supra,
leçon 5). Que retenir de tout ceci ? Que même si le législateur peut adopter des dispositions
rétroactives en matière civile, cette rétroactivité est très contrôlée, puisqu'elle est soumise
au double contrôle de constitutionnalité et de conventionnalité.

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