Droit et Économie - L'avenir de l'Union économique et monétaire : une perspective franco-allemande - 139

CONSTITUTION ET ÉCONOMIE 139

marché » (Soziale Marktwirtschaft)19. Et dans la recherche, on peut discerner
une considération différenciée du rôle de l'ordo-libéralisme dans le développement du droit de l'intégration européenne ; le résultat le plus surprenant étant que les ordo-libéraux ont été plutôt opposés au projet de la Communauté économique européenne dû à ses côtés protectionnistes surtout
dans le domaine agricole et qu'ainsi une lecture ordo-libérale des traités
comporterait une rationalité rétrospective20. Aussi dans ce contexte, il ne
faut pas oublier les différences entre ordo-libéralisme et économie sociale
du marché.
Malgré le texte clair des articles 3, alinéa 3 TUE et 119 alinéa 2 TFUE, les
effets de ce débat ont été très limités, tant au niveau de la jurisprudence
de la CJUE21, que dans l'élaboration des mesures contre la crise. Peu d'auteurs mènent une discussion européenne digne de ce nom22, et il serait fort
exagéré de lui attribuer une influence dans le débat sur les mesures contre
la crise de la dette publique dans la zone euro.

§ 4. Conséquences pour la recherche
Qu'est-ce que nous déduisons de ces résultats aux niveaux pratique et théorique pour la recherche franco-allemande sur l'avenir de l'Union économique et monétaire ?
Premièrement, l'ordo-libéralisme a une logique intrinsèque qui n'est pas
liée à un esprit national ou pire à une orientation idéologique non réfléchie.
Il renonce à juste titre à la concentration économique à haut niveau, soit
dans le secteur privé, soit par les grandes entreprises de l'État, il s'oppose -
à une base théorique bien fondée, au financement monétaire de l'État et il
voit dans la libre concurrence un moyen de trouver les solutions les plus
favorables du point de vue économique. Ces objectifs nécessitent que le marché soit régulé (« ordo ») et que les règles soient observées, et ceci implique
un rôle beaucoup plus important du droit par rapport à des modèles qui se
concentrent sur le pouvoir discrétionnaire des organes politiques.

19. MUSSLER W., Die Wirtschaftsverfassung der Europäischen Gemeinschaft im Wandel, Nomos, BadenBaden, 1998.
20. JOERGES C., « Europa nach dem Ordoliberalismus: Eine Philippika, Kritische Justiz 2010, p. 395.
Analyse détaillée par WEGMANN M., Früher Neoliberalismus und europäische Integration, Nomos,
Baden-Baden, 2002 ; RUFFERT M., in: CALLIESS C./id. (éds), EUV/AEUV, Kommentar,
Artikel 3 EUV, paras 4-8. Perspective critique : JUNGBLUTH D., « Überformung der grundgesetzlichen Wirtschaftsverfassung durch Europäisches Unionsrecht ? », Europarecht 2010, p. 471.
21. CJCE, aff. C-9/99, Rec. 2000, I-8207, para 25 - Échirolles Distribution.
22. GERBER D., Law and Competition in Twentieth Century Europe: Protecting Prometheus, OUP, Oxford,
2001 ; BAQUERO CRUZ J., Between Competition and Free Movement, Hart, Oxford, 2002.

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