Droit et Économie - L'avenir de l'Union économique et monétaire : une perspective franco-allemande - 146

146 L'AVENIR DE L'UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE

politique », un « secrétariat général » et un « fonds monétaire européen »5.
L'insoumis Jean-Luc Mélenchon a proposé à l'inverse de mettre fin à l'indépendance de la BCE, de modifier ses missions et statuts, de l'autoriser à
racheter de la dette publique directement aux États, de lui interdire de
couper les liquidités aux États membres ; si, faute de consentement des
autres États, ce « plan A » n'aurait pas abouti, les Insoumis proposaient un
« plan B » qui prévoyait de réquisitionner la Banque de France pour reprendre le contrôle de la politique du crédit et de la régulation bancaire et envisager un système monétaire alternatif pour transformer l'euro en monnaie
commune et non plus unique6. Marine Le Pen, plus radicalement encore, a
proposé de rétablir la monnaie nationale pour retrouver la souveraineté
monétaire et d'autoriser le financement direct du Trésor par la Banque
de France qui aurait aussi accordé des taux préférentiels pour l'économie
réelle7.
Ce panorama des programmes de l'élection présidentielle française en
2017 est une version très appauvrie du débat qui eut lieu au moment de la
ratification du Traité de Maastricht entre les partisans et les opposants à la
monnaie unique. Quelle plus belle illustration pourrait-on donner que celle
de la joute entre Philippe Seguin et Pierre Bérégovoy, incarnations de l'âme
du politique, prenant la parole à l'Assemblée nationale, le 5 mai 1992.
Philippe Séguin déclare : « ce qu'on nous demande d'abandonner, pour
atteindre la prospérité, ce n'est pas seulement le droit de battre monnaie,
c'est la possibilité de conduire une politique économique qui nous soit
propre »8. Après avoir fustigé les « soi-disant » avantages économiques de
l'euro, il conteste que l'on ait d'autre choix qu'entre « subir » et « codécider » et refuse l'alignement de la France sur le mark, de la Banque de
France sur la Bundesbank, prélude à une « souveraineté partagée », signifiant
que la France serait privée de toute liberté de décision avec « un système
européen de banque centrale indépendant des gouvernements, mais sous
influence du mark ». Pour Pierre Bérégovoy, au contraire, « Notre politique
monétaire n'est pas d'abord contrainte par l'Europe mais par une économie mondiale ouverte ; la monnaie unique, tout au contraire, c'est le
moyen de faire face à cette contrainte. Elle est fondée sur la stabilité monétaire, c'est vrai. Mais qui n'en voit les avantages quand on compare ce qui
s'est passé en Allemagne et chez ses voisins depuis la fin de la Seconde
Guerre mondiale. La dévaluation - fût-elle compétitive - a toujours été la
sanction de l'instabilité monétaire. C'est la monnaie faible et l'instabilité
5.
6.
7.
8.

FILLON F., Mon projet pour la France, 2017.
MÉLENCHON J.-L., L'avenir en commun, Paris, Seuil, 2017.
144 engagements présidentiels, Marine 2017.
Discours prononcé par M. Philippe Seguin, le 5 mai 1992 à l'Assemblée nationale.

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