Droit et Économie - L'avenir de l'Union économique et monétaire : une perspective franco-allemande - 152

152 L'AVENIR DE L'UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE

du Traité de Maastricht31. Elle n'en a pas moins signifié une révolution
copernicienne pour les Français à deux titres.
Politiquement, Jean Quatremer rapporte une anecdote montrant qu'Edmond Alphandéry n'avait pas pleinement saisi ce que l'indépendance signifiait pour les Allemands et révélatrice de la conception française de la
banque centrale32. Le 24 juin 1993, le ministre critique à la radio la « politique monétaire trop restrictive » et la nécessité que les Allemands baissent
leurs taux d'intérêt. Il ajoute : « C'est la raison pour laquelle j'ai pris l'initiative de demander à mon collègue Theo Waigel, le ministre allemand des
Finances, et à Helmut Schlesinger, le président de la Bundesbank, de
venir à Paris [...] pour que nous discutions ensemble des conditions d'une
baisse concertée des taux d'intérêt en France et en Allemagne. La France,
ajoute-t-il, pourra ainsi parler d'égal à égal avec l'Allemagne, ce qui n'était
pas le cas il y a quelques mois »33. Nous sommes à la veille du sommet
franco-allemand qui sera annulé. Le jour de sa déclaration, Alphandéry
devait justement déjeuner à l'ambassade allemande où il restera dans la
loge du concierge pour recevoir un coup de fil de Theo Waigel lui expliquant que ses déclarations ont eu un très mauvais effet sur l'opinion
publique allemande et sur la Bundesbank.
Juridiquement, la volonté d'anticiper les exigences européennes a « été si
forte qu'elle a conduit à méconnaître, dans un premier temps, les exigences du droit constitutionnel français »34. Le Conseil constitutionnel a
déclaré contraire à la Constitution l'article 1er de la loi qui prévoyait que
« la Banque de France définit et met en œuvre la politique monétaire
dans le but d'assurer la stabilité des prix. Elle accomplit sa mission dans le
cadre de la politique économique générale du Gouvernement »35. La disposition contestée ajoutait que « dans l'exercice de ses attributions, la Banque
de France... ne peut ni solliciter ni accepter d'instructions du Gouvernement ou de toute personne » tandis que l'article 7 de la loi disposait que
« le Conseil de la politique monétaire est chargé de définir la politique
monétaire ». Les articles 8 à 10 de la loi consacraient les garanties d'indépendance des membres du Conseil de la politique monétaire. Pour le
Conseil constitutionnel, les dispositions confiant à la Banque de France la
définition de la politique monétaire violaient les articles 20 et 21 de la
31. Ibid.
32. QUATREMER J., KLAU Th., Ces hommes qui ont fait l'euro : querelles et ambitions européennes, Paris,
Plon, 1999. L'ouvrage s'avère difficile à consulter. Cependant, Jean QUATREMER en a publié
le contenu sur Internet.
33. Ibid.
34. LOMBARD M., « Le nouveau statut de la Banque de France », AJDA 1994, 491, 20 juill. 1994.
35. Déc. nº 93-324 DC, 3 août 1993, Loi relative au statut de la Banque de France et à l'activité et
au contrôle des établissements de crédit.

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