Droit et Économie - L'avenir de l'Union économique et monétaire : une perspective franco-allemande - 153

LA BANQUE DE FRANCE, LA POLITIQUE MONÉTAIRE... 153

Constitution. Elles méconnaissaient en effet la compétence du gouvernement pour déterminer et conduire la politique de la Nation et celle du
Premier ministre pour diriger son action. C'est pourquoi le Conseil constitutionnel a déclaré contraire aux articles 20 et 21 de la Constitution les
mots « ... définit et... dans le but d'assurer la stabilité des prix » de l'article 1er ainsi que les mots « chargé de définir la politique monétaire » de l'article 7. Pourtant, par une loi du 31 décembre 199336, les mêmes mots ont
été rétablis par le législateur sans qu'il faille y voir une méconnaissance de
l'autorité de la chose jugée par le Conseil constitutionnel. En effet, le
1er novembre 1993, le Traité de Maastricht est entré en vigueur ce qui a
fondamentalement changé la donne. Dans sa décision du 3 août 1993, le
Conseil constitutionnel avait estimé qu'il n'y avait pas lieu d'inclure l'article 88-2 de la Constitution dans les normes de référence de son contrôle
puisque le Traité de Maastricht n'était pas encore entré en vigueur. Or,
l'article 88-2 prévoit que « la France consent aux transferts de compétences
nécessaires à l'établissement de l'union économique et monétaire européenne ». Une fois le Traité de Maastricht entré en vigueur, les dispositions
relatives à l'indépendance de la Banque de France, en particulier celles qui
concernent la définition de la politique monétaire et l'interdiction de toute
instruction du gouvernement peuvent être regardées comme résultant de
l'application du Traité de Maastricht visé par l'article 88-2 de la Constitution. Entre 1994 et 1999, indépendante du gouvernement, la Banque de
France a conduit la politique monétaire française. Au cours de la deuxième
phase de l'Union économique et monétaire, elle devait coopérer avec les
autres banques centrales sous l'égide de l'Institut monétaire européen.
Après que le passage à la troisième phase a été décidé et avant le 1er janvier
1999, le législateur a nouvellement modifié les statuts de la Banque de
France pour tirer les conséquences du transfert de la compétence monétaire à l'Union37.
C'est donc par le truchement du droit communautaire que le modèle allemand de banque centrale a été repris en France. Les travaux parlementaires sont à cet égard intéressants. Ainsi, le Sénat évoque parmi d'autres le
« cas allemand » dans les exemples de banque centrale38. On constatera
que le gouverneur de la Bundesbank avait été le seul, avec Jacques de la
Rosière, à être auditionné39. Le législateur a ainsi fixé le statut de la Banque
36. L. nº 93-1444, 31 déc. 1993, portant diverses dispositions relatives à la Banque de France, à
l'assurance, au crédit et aux marchés financiers.
37. L. nº 98-357, 12 mai 1998, modifiant le statut de la Banque de France en vue de sa participation au Système européen de banques centrales.
38. Sénat, op. cit., p. 47.
39. Audition de M. Helmut Schlesinger, président de la Banque fédérale d'Allemagne, Sénat, op.
cit., p. 205.
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