Droit et Économie - L'avenir de l'Union économique et monétaire : une perspective franco-allemande - 55

LE COMMENCEMENT DE L'INTÉGRATION EUROPÉENNE 55

jusqu'au début des années 80) de l'un des plus importants bassins industriels
de France avec une production de fonte et d'acier énorme7. Pour la France
le bassin minier et sidérurgique lorrain était une région extrêmement
importante8. Pendant des décennies deux tiers de l'acier français fut produit
en Lorraine. Le bassin lorrain était peut-être l'agglomération la plus importante de l'industrie lourde en France, bien que le bassin lorrain ne formât
qu'une agglomération moyenne dans le cadre européen. Mais on ne pouvait
jamais évaluer l'importance de la région dans un cadre purement national.
L'acier était toujours un produit avec une importance transnationale, en
matière de concurrence, en termes social et surtout aussi en termes politique lorsque l'acier forme la matière première pour l'armement.
Après la première guerre mondiale la sidérurgie lorraine se trouvait freinée
surtout par la concurrence de la Ruhr de plus en plus. La houille allemande
avait une qualité supérieure au charbon français et coûtait moins cher. La
comparaison des prix de la houille et du coke témoigne l'avantage en
concurrence de la Ruhr9. En général la Ruhr produisait avec des coûts inférieurs à ceux des autres régions sidérurgiques ; le pouvoir de l'industrie de
la Ruhr et de l'Allemagne était un problème général pour l'économie en
Europe10. Importer du coke de l'Allemagne devenait un avantage pour
réduire les coûts. Parallèlement la houille de la Sarre se trouvait justement
sous la frontière entre la Sarre et la Lorraine, les mines s'étendant aux deux

7. Sur l'histoire de l'industrialisation du bassin lorrain autour de la découverte du minerai,
cf. VAN DE KERKHOF S., « Die Industrialisierung der lothringisch-luxemburgischen MinetteRegion », dans : PIERENKEMPER T. (éd.), Die Industrialisierung europäischer Montanregionen im 19.
Jahrhundert, Stuttgart 2002, 225-275. V. aussi : PRÊCHEUR C., La sidérurgie française, Paris, 1963.
8. V., par ex. : MASSON J.-L., L'industrie lorraine de fer, Paris, 1977 ; DE MONTLIBERT C., Crise économique
et conflits sociaux dans la Lorraine sidérurgique, Paris, 1989 ; MARTIN P., Sidérurgie lorraine : nos plus
belles années, Metz, 2012 (volume illustré).
9. Comparaison des prix de la houille (« Fettkohle ») en 1957 en DM/t (impôts inclus) : Ruhr
58,76 DM ; Nord (France) 74,00 DM ; Sarre 74,66 DM ; Lorraine 76,00 DM ; Belgique
83,35 DM. Les prix du coke (« Hochofenkoks ») en 1957 en DM/t : Ruhr 77,42 DM ; Nord
(France) 102,00 DM ; Sarre 105,33 DM ; Lorraine 106,00 DM ; Belgique 121,28 DM. Faire
attention que jusqu'en 1957 la Sarre appartenait à l'espace économique de la France. Sur
les données de l'économie charbonnière et sidérurgique v. aussi REUTER P., La Communauté
européenne du charbon et de l'acier, Paris, 1953, 149-169.
10. Cf. GERBER D., Law and Competition in Twentieth Century Europe, New York, 1998, 336: « The core
of the problem was Germany. Its coal and steel industry had been dominant in Europe before
the war, and the allies contemplated returning sovereignty to a new German state at the end
of the occupation, they were aware that without political intervention German industry was
likely to reacquire such a dominance. It would either control or have easy access to the necessary raw materials, and it possessed both technological leadership and extensive managerial
experience in the relevant industries. In the late 1940s, however, few in Europe (or anywhere
else) relished the idea of such extensive economic power in German hands ».

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