Droit et Économie - L'avenir de l'Union économique et monétaire : une perspective franco-allemande - 64

64 L'AVENIR DE L'UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE

européenne échouèrent dans l'Assemblée nationale française. Cet échec
eut un effet fatal parce que dans ce qui suit ce sont encore une fois de
plus les projets économiques qui font fortune tandis que les objectifs clairement politiques rencontrent la résistance. Dans le cadre politique les intérêts ne se sont pas remplis : l'Allemagne surtout voulait relever le statut
d'occupation, alors une communauté de défense semblait avancer ce but,
tandis que la France était engagée en Indochine et ne voulait pas intégrer
ou même partager ces forces militaires et nucléaires. Donc les intérêts ne
s'accordent plus. Ce qui est si intéressant pour notre plan c'est le fait que
Jean Monnet démissionnait de la Haute Autorité en témoignage de
protestation38. Monnet commença à travailler sur des communautés alternatives basées sur l'Intégration économique plutôt que politique.
Le résultat de l'échec politique était de renforcer l'intégration économique. Pourquoi limiter la coopération sur des marchés spéciaux, celui de
la houille et de l'acier, et pourquoi ne pas étendre la coopération aux
autres marchés ? La France optait pour l'intégration de l'industrie
nucléaire, en vue de la crise de Suez qui avait révélé la vulnérabilité d'une
fourniture à la base de l'huile. Elle proposait donc la création d'une communauté européenne de l'énergie atomique. L'Allemagne ne s'y opposait
pas mais préconisait l'approche d'une communauté qui n'est pas limitée
aux secteurs mais comprend l'ensemble du domaine économique afin
d'améliorer les exports industriels en Europe.

§ 5. La CEE de 1957 comme compromis
La création de la Communauté économique européenne en 1957 porte
donc la nature d'un compromis. Les institutions sont pratiquement prises
de la CECA39 avec une nouvelle commission qui est liée plus fortement au
conseil, ce qui s'est déjà appréhendé dans la pratique de la CECA.40 Ce ne
sont plus des secteurs, ce n'est plus un plan qui marche d'un marché à un
autre, mais c'est l'idée d'un marché un et indivisible qui émerge. Mais comment le penser ? D'un côté on parle d'un marché et pas plus d'un marché
38. Cf. SPIERENBURG/POIDEVIN (nº 14), ch. VII.
39. Cf. les sources dans SCHULZE/HOEREN (nº 14), tome 1, part 3, DOK 1-5 : déjà les premiers
mémorandums des États pour la conférence de Messine du 1er au 3 juin 1955 ont poursuivi
le cadre institutionnel déjà établi par la CECA. Dans les documents suivants, on trouve beaucoup de références au traité de la CECA, concernant surtout l'organisation de la Cour de
justice et de l'Assemblée. La Cour de justice restait pratiquement inchangée et pouvait simplement étendre sa juridiction sur le Marché commun de la CEE. Cf. aussi GERBET P., La naissance du marché commun, Bruxelles, 1987, 76-89 ; BOERGER-DE SMEDT A., « La Cour de Justice
dans les négociations du traité de Paris instituant la CECA », dans : Journal of European Integration History 14 (2008), 7-34.
40. Cf. GERBER (nº 23), 341-343.

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