Droit et Économie - L'avenir de l'Union économique et monétaire : une perspective franco-allemande - 88

88 L'AVENIR DE L'UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE

décisions individuelles des agents économiques58. La politique devrait être
subordonnée à la réalisation d'un cadre conforme aux conditions d'existence et de préservation de l'économie de marché, que Eucken traduisait
en grands principes constituants (« konstituierende Prinzipien »59). Dans cette
tradition, réinvestie par Viktor Vanberg, les principaux instruments de la
politique économique doivent tendre non à intervenir directement dans
l'économie mais à améliorer le cadre institutionnel au sein duquel les activités économiques prennent place60.
C'est précisément ce que permet le principe de stabilité monétaire consacré dans le traité de Maastricht : la politique monétaire cesse en principe
d'être un instrument d'intervention économique à disposition des gouvernements nationaux. La monnaie ne peut plus être un instrument de dévaluation compétitive utilisé (artificiellement) à des fins concurrentielles.

2. Le primat accordé à la stabilité monétaire et budgétaire
L'objectif de stabilité des prix, un principe matriciel de l'UEM. Principe
constituant de l'ordre concurrentiel chez Eucken, la stabilité monétaire
devient un principe matriciel de l'UEM.
On le retrouve discrètement à l'article 2 TCE, qui prévoit que la Communauté doit notamment promouvoir « une croissance durable et non inflationniste », et surtout consacrée à l'article 4 (actuel article 119 TFUE) qui
prévoit d'une part, au § 2 que la politique monétaire et la politique de changes ont pour « objectif principal (...) de maintenir la stabilité des prix » et
d'autre part, au § 3 que l'action de la Communauté et des États membres
doit respecter « les principes directeurs suivants : prix stables, finances
publiques et conditions monétaires saines et balance des paiements stable ».
Enfin, l'article 105 TCE (actuel article 127 § 1 TFUE) rappelle tout aussi
explicitement que « l'objectif principal de l'eurosystème est de maintenir
la stabilité des prix ». À cette fin, et de façon indépendante, la Banque centrale européenne définit un objectif d'inflation.
C'est sans doute le primat accordé à la stabilité de la politique monétaire
européenne, fédéralisée, qui explique les règles d'encadrement des politiques budgétaires nationales, alors même que la compétence en la matière
appartient aux États membres
58. EUCKEN W., Grundsätze der Wirtschaftspolitik, préc., p. 242 et s.
59. Ibid., p. 254 et s.
60. VANBERG V., « Ordnungspolitik, the Freiburg School and the Reason of Rules », i-lex 9, 2014,
p. 205-220, cité par FELD L., KOEHLER E. et NIENTIEDT D., « Ordoliberalism, Pragmatism and the
Eurozone Crisis : How the German Tradition Shaped Economic Policy in Europe », préc.,
p. 9.

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