Droit et Économie - L'avenir de l'Union économique et monétaire : une perspective franco-allemande - 93

LA CONSTITUTION MONÉTAIRE DE L'UNION EN DÉBAT 93

identifiés sont dictés par la nécessité de construire une union monétaire, ils
peuvent être mis en regard avec les préceptes ordolibéraux et monétaristes.
Cela permettrait de mesurer en quelque sorte la part du « choix discrétionnaire » laissée aux rédacteurs du traité de Maastricht dans l'édification des
principes directeurs de l'UEM73.
Union monétaire et ajustement par les prix. Or à bien des égards, l'union
monétaire semble imposer ses propres critères de rationalité économique.
Le simple fait que dans une union économique et monétaire, les États
membres fixent irrévocablement les parités de leur monnaie n'est pas sans
conséquence74. Dans un article de référence, consacré aux zones monétaires optimales, Robert Mundell a montré qu'en régime de changes fixes, et
lorsque la libre circulation des capitaux est garantie, la politique monétaire
se trouve largement contrainte75. C'est le fameux « triangle d'incompatibilité », selon lequel il est impossible pour un État de maintenir à la fois un
taux de change fixe, la liberté de circulation des mouvements de capitaux
(l'absence de contrôle de changes) et le libre choix de sa politique monétaire (fixation du niveau des taux d'intérêts à court terme en fonction d'objectifs internes de politique économique). À défaut de pouvoir déterminer
librement les taux de change, les États membres de la zone monétaire ne
peuvent donc plus jouer que sur le niveau des prix. En effet, si le taux de
change nominal est fixe, le taux de change réel, qui tient compte du rapport entre la moyenne des prix dans un pays et celle de pays tiers, peut
toujours fluctuer. Privés de l'outil de dévaluation monétaire, les pays membres de l'union monétaire devront nécessairement améliorer leur compétitivité par l'ajustement des salaires et des prix76. Feld montre ainsi que la
mise en place de tels ajustements ne résulte pas d'un quelconque dogme
ordolibéral mais de la logique propre à l'union monétaire77.

73. Sur les déterminants économiques de l'UEM, voir spécialement l'étude de MARTUCCI F.,
« L'utilisation des faits économiques dans l'Union économique et monétaire : une approche
théorique d'un droit de la politique économique », préc., spéc. p. 107 : l'auteur montre que
les rédacteurs du traité ont « opéré un choix constitutionnel consistant à intérioriser des
modèles macroéconomiques qui forment le substrat théorique de l'UEM ».
74. BALASSA B., The theory of economic integration, Greenwood Press, 1961 ; ROBSON P., The economics of
international integration, 3e éd., Allen & Unwin, 1987.
75. MUNDELL R., « A theory of optimum currency areas », American Economic Review, vol. 51, nº 4,
sept., p. 657-665. Il faut préciser que les travaux de Mundell ne visaient pas spécialement les
unions monétaires mais proposaient de comparer les régimes de changes (fixes ou flexibles).
76. D'autres mécanismes d'ajustements, moins probables en l'état actuel des choses en Europe,
sont la mobilité des salariés et les transferts budgétaires entre les différentes régions de
l'union monétaire.
77. FELD L., KOEHLER E. et NIENTIEDT D., « Ordoliberalism, Pragmatism and the Eurozone Crisis :
How the German Tradition Shaped Economic Policy in Europe », préc., p. 10.

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