Hors collection - Lex Robotica - Le droit à l'épreuve de la robotique - 161

DIDIeR GUÉVeL

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que, dans le cadre de la réflexion en cours en France en vue de réformer le
régime de la responsabilité civile, une place soit accordée à la responsabilité
issue de l'activité des robots.
21. Pour autant faut-il s'en tenir à une approche juridique balkanisée,
éparpillée ? Le Professeur xavier Labbée a rappelé la summa divisio qui
sépare personnes et biens. Faut-il aller plus avant et conférer la personnalité
juridique aux robots ou à certains robots ?38 Les robots, à leur « naissance »
sont des jumeaux, voire des clones. Mais si le robot peut tirer les fruits de
sa propre expérience, plus son existence sera longue et plus il aura d'acquis
propres : « chaque robot sera de fait unique »39. La question peut donc légitimement se poser de faire de lui un sujet de droit. Donner, à certains robots,
la personnalité morale, comme Maître Bensoussan le suggère déjà depuis
plusieurs années et comme les instances européennes se sont laissées aller
à l'envisager40, est une idée séduisante. Il y aurait ainsi des degrés dans la
personnalité juridique (il y en a déjà, par exemple, pour les associations). Le
robot aurait un patrimoine, avec lequel il pourrait indemniser les personnes
ayant éventuellement subi un préjudice de son fait. Le juge français ne
peut, en l'état, donner la personnalité morale aux robots, puisque, pour ce
faire, il faut un « groupement pourvu d'une possibilité d'expression collective pour la défense d'intérêts licites, dignes, par suite d'être juridiquement
protégés »41 ; or, un robot n'est pas un « groupement ». en revanche, le législateur pourrait le faire, d'autant qu'il est vrai que, si l'on s'en tient à l'une
des définitions du dictionnaire de référence42, rien ne semble s'y opposer,
la personne morale pouvant être un « sujet de droit fictif qui, sous l'aptitude
commune à être titulaire de droit et d'obligation, est soumis à un régime
variable ». Le fait que l'on donne un nom aux robots est une manière de les
dé-réifier. Nommer, c'est déjà donner un attribut de la personnalité. C'est
d'ailleurs ce qui, souvent, en pratique, distingue l'animal de compagnie,
des autres animaux. Les personnes morales ont aussi des noms. Mais un
fonds de commerce, un site Internet ont aussi un nom ; ils n'ont pas, pour
38. Grégoire Loiseau et Matthieu Bourgeois, « Du robot en droit à un droit des robots »,
JCP 2014, 1231 ; Grégoire Loiseau, « Des robots et des hommes », D. 2015, 2369.
39. Bruno Maisonnier, Préface, in Alain Bensoussan, Jérémy Bensoussan, Droit des
robots, op. cit.
40. Résolution du Parlement européen du 16 févr. 2017 (2015/2103 (INL)), contenant des
recommandations à la Commission concernant des règles de Droit civil sur la robotique
(V., p. ex., Alexandra Bensamoun et Grégoire Loiseau, « L'intelligence artificielle : faut-il
légiférer ? », D. 2017, p. 581).
41. Cass. 2e civ. 28 janv. 1954 : D. 1954 217, note G. Levasseur, JCP 1954 II 7978, Concl.
Lemoine.
42. Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF 1re éd. 1987,
p. 579.
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