Hors collection - Lex Robotica - Le droit à l'épreuve de la robotique - 63

GÉRALDINe GoFFAUx-CALLeBAUt

suppose la sensibilité et la création suppose, en principe, une personne
physique. Ces deux propositions sont-elles des obstacles absolus à la
reconnaissance d'un droit d'auteur ? Ni la loi ni la jurisprudence n'ayant
eu à connaître ces questions de robots, il faut partir d'éléments de comparaison, plus ou moins transposables à la situation des robots humanoïdes.
Humanité. La création intellectuelle suppose une sensibilité. en effet,
elle est définie comme « une activité intellectuelle qui donne naissance
à une œuvre de l'esprit ou plus généralement à tout objet de propriété
intellectuelle »33. Il faut donc une activité humaine. on peut déduire de
cette exigence d'une activité humaine que les animaux ne pas susceptibles
de créer une œuvre de l'esprit34. toutefois, la question de la création par
l'animal n'est pas théorique : on se souvient qu'en 2011, un photographe,
David Slater, s'est vu emprunter son appareil par un singe qui a fait un
« selfie ». La photo a fait le tour des réseaux sociaux. Une association
de défense des droits des animaux, People for the Ethical Treatment of
Animals (PetA), a intenté une action devant le juge fédéral américain
pour que l'animal soit reconnu comme l'auteur du cliché. Le juge a estimé
que la loi sur le copyright ne s'étendait pas aux animaux mais l'association
a fait appel de cette décision. Le procès en appel n'a finalement pas eu
lieu : le 13 septembre 2017, une transaction a été conclue entre le photographe et l'association qui bénéficiera de 25 % des recettes de ce cliché.
L'association considère que « Naruto et le fameux "selfie de singe" qu'il
a clairement pris démontrent que lui et les autres macaques sont des êtres
intelligents, pensants, complexes qui méritent de détenir légalement leur
propriété intellectuelle et d'avoir des droits en tant que membres de la
communauté légale ». Ce raisonnement pourrait être tenu d'ici quelques
années pour les robots humanoïdes.
Conscience. en outre, il faut, pour qu'il y ait création, que cette intervention humaine soit consciente. La Cour de cassation exige en effet
que le créateur ait la volonté de créer, de modifier la réalité et d'apporter
quelque chose35. Il en découle que les œuvres ne peuvent être créées par des
incapables majeurs ou mineurs que si ces incapables sont doués de discernement. Dès lors, les infans ou les personnes touchées par une maladie
mentale ne devraient pas pouvoir créer au sens du droit d'auteur, faute
33. Dictionnaire comparé du droit d'auteur et du copyright, CNRS éditions, 2003,
v° création.
34. Sur une comparaison plus générale entre le robot et l'animal, v. th. Daups, « Le robot,
bien ou personne ? Un enjeu de civilisation ? », LPA 11 mai 2017, n° 94, p. 7.
35. Civ. 1, 13 novembre 2008, CCC 2009, comm. 2, note Ch. Caron.

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