Hors collection - Les enjeux de la déjudiciarisation - 92

RôLe et INtÉRêt De La DÉJuDICIaRISatIoN

133. ensuite, de minimis... a toujours été et restera une règle arbitraire.
À une époque où la répartition des infractions selon leur gravité est particulièrement brouillée par un législateur omniprésent, il est difficile de
déterminer ce qui doit ou non relever de l'office du juge judiciaire. au-delà
des procédés déjudiciarisés, le développement de l'ordonnance pénale en
matière délictuelle et l'extension de la CRPC257 témoignent du fait que le
législateur simplifie, à défaut de déjudiciariser à proprement parler, des
contentieux jugés d'importance. Surtout, l'on remarque que si la déjudiciarisation touche certains petits contentieux (médiation, ordonnance pénale
et amende forfaitaire) elle permet de se passer d'une intervention judiciaire
par la seule magie de la reconnaissance des faits ou leur non-contestation ;
telle semble être la posture du législateur moderne. Le juge du siège n'a
pas à se préoccuper des justiciables qui reconnaissent les faits qui leur sont
reprochés. Par un étrange renversement de perspectives, la quête de l'aveu
corrélée à la recherche subliminale de la vérité, répétée à l'envi par le Code
de procédure pénale, est doucement mais assurément remplacée par un
désintérêt justifiant que le juge judiciaire soit marginalisé dès lors que les
faits sont reconnus par le mis en cause.
À croire que le cœur de métier du juge pénal soit la recherche de la
vérité en dehors de l'aveu, et que nonobstant l'histoire de la justice pénale,
personne ne se soucie de la fébrilité de feu la reine des preuves. À dire vrai,
il semble surtout que déjudiciariser sans s'interroger sur le droit pénal substantiel fait courir le risque d'une aporie tant le fond devrait ici déterminer
la forme de la réponse pénale.

2. Quelle justice ? La forme sans le fond ?
134. La méthode de travail du Gouvernement et du Parlement est ici
frappante. Désolidarisant constamment fond et forme, faute de temps,
les projets de réforme peinent à appréhender globalement le champ de la
réforme. La déjudiciarisation perd en signification puisque le gain de temps
apparaît premier sans qu'une réflexion sur le sens de la justice pénale ne
257. article 495-7 CPP tel que modifié par loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011,
art. 27 : « Pour tous les délits, à l'exception de ceux mentionnés à l'article 495-16 et des
délits d'atteintes volontaires et involontaires à l'intégrité des personnes et d'agressions
sexuelles prévus aux articles 222-9 à 222-31-2 du Code pénal lorsqu'ils sont punis d'une
peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à cinq ans, le procureur de la République
peut, d'office ou à la demande de l'intéressé ou de son avocat, recourir à la procédure de
comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité conformément aux dispositions
de la présente section à l'égard de toute personne convoquée à cette fin ou déférée devant
lui en application de l'article 393 du présent code, lorsque cette personne reconnaît les faits
qui lui sont reprochés ». Depuis la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 (art. 59), le procureur
peut proposer jusqu'à trois ans d'emprisonnement (art. 495-8 al. 2 CPP) !

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