Hors collection - Les enjeux de la déjudiciarisation - 97

SyLVIe CIMaMoNtI et JeaN-BaPtISte PeRRIeR

l'incapacité du système judiciaire à juger vite tout en jugeant bien, à tel
point qu'il est nécessaire de trouver ou de favoriser des circuits dérivatifs ?
L'objectif d'économie budgétaire pourrait même n'être qu'illusoire globalement pour certains contentieux, notamment en matière civile où, pour le
divorce « sans juge », la baisse des coûts liés à l'intervention du juge s'est
accompagnée d'une hausse des coûts liée à l'intervention du notaire et,
surtout, des avocats dont l'assistance pour chacun des époux est désormais
obligatoire dans ce divorce par consentement mutuel déjudiciarisé.
Surtout, à ne poursuivre que cet objectif, la déjudiciarisation pourrait
s'avérer contreproductive, par le retard apporté au règlement du litige, en
imposant aux parties la recherche d'un accord amiable alors qu'il est évident
que toute recherche en ce sens est vaine ou inopportune. Dans de telles
hypothèses, le recours au juge est inévitable et le retard de son intervention
peut conduire à enraciner le conflit plus profondément encore.
142. Court-termisme. Cet intérêt de la déjudiciarisation, en ce qu'elle
permet de désengorger les juridictions, se réalise sans doute à court terme,
mais il n'est pas certain que l'intervention du juge soit pour autant rendue
inutile en toute hypothèse. en effet, la déjudiciarisation, lorsqu'elle conduit
à retirer le contrôle du juge, retire également la purge des vices de l'acte que
permettait ce contrôle et celui-ci pourra donc être contesté par la suite. Le
litige peut revenir devant le juge qui n'intervient plus pour contrôler un
accord mais pour la contestation de cet accord278.
Certes, il n'est pas certain que l'accord soit systématiquement contesté,
quoique pourtant vicié, de telle sorte que le temps gagné n'est pas perdu par
la suite ; mais ce constat n'est sans doute pas heureux en ce qu'il signifie que
la déjudiciarisation, par le renfort de la liberté contractuelle, peut se faire au
détriment d'autres enjeux, de la protection d'autres droits et libertés, ce qui
n'est pas satisfaisant279. L'équilibre qui doit ici prévaloir pourrait conduire
à préférer une simplification de la procédure d'homologation, notamment
en supprimant l'obligation de comparution, plutôt qu'une disparition pure
et simple du juge280.
143. Recentrage. La déjudiciarisation aurait, par ailleurs, pour intérêt
de permettre au juge de se recentrer sur ses missions281. Si l'argument est
réfuté par certains en matière civile, il interpelle en matière pénale où le
prononcé d'une sanction semble être au cœur de la mission du juge. or,
le recours aux procédés déjudiciarisés en cette matière conduit à mettre en
278. V. supra, n° 88.
279. Sur cette obs. v. supra, n° 90.
280. en ce sens, v. supra, n° 94.
281. V. déjà pour un appel en ce sens, L'ambition raisonnée d'une justice apaisée,
Commission sur la répartition des contentieux, préc., 36.

Hors collection - Les enjeux de la déjudiciarisation

Table des matières de la publication Hors collection - Les enjeux de la déjudiciarisation