Hors collection - Les transformations de la preuve pénale - 334

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LeS TRANSfoRMATIoNS De LA PReuVe PÉNALe

preuves » ? Pour mieux ajouter : « La pratique de la police scientifique, et
notamment l'utilisation de l'ADN, a consisté jusqu'à présent à faire parler
les indices de la scène du crime. Les neurosciences ouvrent une autre voie :
faire parler objectivement un individu sur sa participation à un crime »15.
« objectivement », le mot est juste, car ce que permettraient les neurosciences, c'est, au fond, de provoquer, au moyen de l'imagerie cérébrale,
l'aveu d'un individu : non pas, bien sûr, un aveu verbal, mais, serait-on
tenté de dire, un aveu de l'âme - en tout cas, un aveu des états d'âme. Reste
à savoir si l'on peut admettre, en matière de preuve pénale, que le cerveau
(donc le corps) parle en lieu et place de la personne16.
De fait, trois raisons semblent militer en faveur de l'admission de la
preuve neuroscientifique dans le procès pénal. La première d'entre elles
est tirée de la lettre de l'article 427 du Code de procédure pénale, qui pose
le principe de la liberté de la preuve : « Hors les cas où la loi en dispose
autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve ».
or, précisément - c'est la deuxième raison -, la loi, ici, n'en dispose pas
autrement, laquelle, au contraire, semble plutôt favorable, en son état actuel,
à l'admission de la preuve neuroscientifique. en témoigne l'article 16-14
du Code civil, qui affirme que « [l]es techniques d'imagerie cérébrale ne
peuvent être employées qu'à des fins médicales ou de recherche scientifique, ou dans le cadre d'expertises judiciaires ». Les techniques d'imagerie
cérébrale peuvent ainsi être utilisées dans le cadre « d'expertises judiciaires »
- y compris, donc, d'expertises pénales, que le législateur n'a pas entendu
exclure du champ des possibles de l'article 16-14. enfin, la troisième raison
tient à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. on
sait, en effet, que la Cour admet que le droit de ne pas contribuer à sa propre
incrimination, s'il tend à mettre la personne pénalement poursuivie à l'abri
d'une pression abusive de la part de l'autorité publique, n'empêche pas, en
revanche, de recourir à des pouvoirs coercitifs pour obtenir des « données
qui existent indépendamment de la volonté de la personne concernée »,
« telles que les documents recueillis en vertu d'un mandat » et « les prélèvements d'haleine, de sang et d'urine ainsi que de tissus corporels en vue
d'une analyse de l'ADN »17 (la chambre criminelle de la Cour de cassation
étant, au demeurant, sur la même ligne18). or des prélèvements de sang en
vue, par exemple, d'une analyse ADN à l'utilisation de l'imagerie cérébrale,
15. Ibid. (étant précisé qu'à la suite l'auteur se montre très réservé vis-à-vis de la preuve
neuroscientifique).
16. Rappr. le sous-titre de l'ouvrage préc. de P. Larrieu : « Le cerveau dans le prétoire ».
17. CeDH, 17 déc. 1996, Saunders c/Royaume-Uni, préc., § 69.
18. Cass., crim., 6 janv. 2015, n° 13-87652, Bull. crim., n° 6 : « le droit au silence et celui de
ne pas contribuer à sa propre incrimination ne s'étendent pas au recueil de données qu'il
convient d'obtenir indépendamment de la volonté de la personne concernée ».
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