Hors collection - Les transformations de la preuve pénale - 335

L'AVeNIR De LA PReuVe PÉNALe...

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on ne voit pas qu'il devrait forcément en aller différemment, dès lors que,
en un cas comme dans l'autre, il s'agira de recueillir « des données » qui
« existent indépendamment de la volonté de la personne concernée ». ou
comment, donc, la preuve neuroscientifique pourrait bien être la preuve
par excellence de demain.
Si ce n'est que cesser l'analyse en ce lieu serait passer sous silence les
réserves - on peut en citer au moins quatre - qui entourent le recours à
la preuve neuroscientifique. La première de ces réserves concerne l'exigence de fiabilité de la preuve19. C'est que la preuve scientifique n'est pas
si certaine, si infaillible que l'on tend généralement à le croire ou le dire. et
pour cause : « si l'indice » (empreinte digitale, ADN...) « ne ment pas, il ne
parle pas non plus » : « pour le faire parler, le recours à des experts est indispensable, et (...) ces experts, [eux], peuvent se tromper »20 - et pourront,
dès lors, commettre des erreurs d'interprétation, quand ils prétendront,
demain, pouvoir faire parler, pouvoir faire avouer le cerveau à la place de
la personne21. La deuxième réserve a trait au consentement de la personne,
et au respect de son corps. L'article 16-14 du Code civil prévoit d'ores
et déjà que « [l]e consentement exprès de la personne doit être recueilli
par écrit préalablement à la réalisation de l'examen [neuroscientifique],
après qu'elle a été dûment informée de sa nature et de sa finalité (...) ». Pas
d'examen neuroscientifique espéré en tant que preuve - et, en particulier,
en tant que preuve à charge - qui pourrait, ainsi, être effectué par l'autorité
publique sans avoir préalablement obtenu le consentement de l'intéressé.
un intéressé qui sera donc libre de refuser l'administration, contre son
gré, et au nom de la protection de son intégrité, d'une preuve neuroscientifique. Mais à quel prix ? Très certainement au prix de poursuites pénales
pour, justement, avoir refusé l'administration de la preuve, c'est-à-dire
pour avoir usé de sa liberté, pour avoir fait primer la protection de son
intégrité corporelle sur les intérêts de la poursuite. on rappellera, en effet,
que déjà, et à titre d'illustration, l'article 706-56, II, du Code de procédure pénale prévoit une peine d'emprisonnement d'un an et une amende
de 15 000 euros à l'encontre de toute personne suspectée d'avoir commis
certaines infractions (sexuelles, contre les biens...) et qui a refusé de se
19. Rappr. CeDH, 10 mars 2009, Bykov c/Russie, préc., § 90 : « Pour déterminer si la
procédure dans son ensemble a été équitable », il faut notamment prendre en compte
« la qualité de l'élément de preuve, y compris le point de savoir si les circonstances dans
lesquelles il a été recueilli font douter de sa fiabilité et de son exactitude ». Adde, refusant que
puisse être déclarée valable l'audition d'un témoin sous hypnose, Cass. crim., 12 déc. 2000,
n° 00-83852, Bull. crim., n° 369.
20. G. Giudicelli-Delage, « Conclusions », art. préc., p. 334.
21. Rappr. M.-C. Sordino, « Le procès pénal confronté aux neurosciences... », art. préc. :
« la neuro-imagerie, dont l'examen sera réalisé par un être humain, devra toujours faire
l'objet d'un traitement de l'information consistant à l'interpréter ».
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