Hors collection - Les transformations de la preuve pénale - 340

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LeS TRANSfoRMATIoNS De LA PReuVe PÉNALe

parties privées ? et, surtout, peut-on encore considérer la preuve pénale non
discutée, non débattue, non démontrée, comme une véritable preuve ? on
peut en douter. Bien sûr, d'aucuns pourraient rétorquer que, si le prévenu
veut débattre de la preuve, il a la possibilité de former opposition à l'ordonnance pénale42 ou appel de la décision d'homologation43. Certes, mais avec
cet inconvénient que le tribunal correctionnel n'est alors plus tenu par la
limitation légale de la peine inhérente aux procédures simplifiées44. C'est
dire si l'incitation à ne pas retrouver la procédure ordinaire, et avec elle, le
principe du contradictoire, est forte. et c'est dire, également, si la faveur
accordée à la preuve-affirmation, au détriment de la preuve-démonstration,
est claire, d'autant plus claire (et critiquable) que le champ d'application
des procédures simplifiées s'est considérablement accru45 : depuis une loi
du 13 décembre 2011, la voie de l'ordonnance pénale a ainsi été ouverte à
divers délits contre les biens (et notamment ceux de vol et de recel)46 ; et
depuis cette même loi de 2011, la comparution sur reconnaissance préalable
de culpabilité est désormais applicable à tous les délits (sauf exceptions
prévues par le législateur)47.
À quoi on ajoutera (d'une certaine façon, pour boucler la boucle) qu'une
autre manifestation de la preuve-affirmation peut être tirée du recours à la
preuve scientifique. C'est que, à lui prêter trop de crédit, à vouloir voir en
elle la reine des preuves au prétexte de sa rigueur, de sa fiabilité, de sa force
de conviction, la preuve scientifique (et notamment la preuve neuroscientifique) pourrait, au fond, empêcher tout débat - idée que, puisque cette
preuve est incontestable, scientifiquement incontestable, c'est donc qu'il
n'y a rien à contester, à discuter, à débattre. Sans compter que, si la preuve
neuroscientifique devait aller jusqu'à établir des probabilités de passage à
l'acte, toute défense contre cette preuve serait illusion (et pour cause : on
ne se défend pas contre des probabilités, car on ne peut pas en apporter la
preuve contraire). Tout ceci sans oublier l'impact, sur le principe de contradiction, d'autres preuves-affirmations, comme les témoignages anonymes
42. Art. 495-3 CPP.
43. Art. 495-11 CPP.
44. À noter que l'article 38, 5°, du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme
pour la justice prévoit que, pour tous les délits concernés par la procédure de comparution
sur reconnaissance préalable de culpabilité, la proposition de peine du parquet pourra aller
jusqu'à la moitié de la peine d'emprisonnement encourue.
45. et pourrait encore s'accroître (v. art. 40, II, du projet de loi de programmation 20182022 et de réforme pour la justice, qui dispose : « La procédure simplifiée de l'ordonnance
pénale est applicable aux délits visés à l'article 398-1 du Code de procédure pénale [délits
relevant du juge unique], à l'exception des délits d'atteintes volontaires et involontaires à
l'intégrité des personnes »).
46. Art. 495 CPP.
47. Art. 495-7 et 495-16 CPP.
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