Hors collection - Les transformations de la preuve pénale - 73

PReuVe PÉNALe eT eXPeRTISe

du parricide élargi, cela se révèle pour le moins difficile à envisager dans
l'occurrence d'un acte commis à son corps défendant. Dans le jeu des questions et des réponses aux parties lors du procès, même si l'expert demeure
campé dans le strict champ de ses prérogatives, il n'en donne pas moins
des arguments parfois décisifs à telle ou telle partie au procès qui saura en
faire usage.
L'affaire fut en son temps retentissante. une jeune femme policière avait
été violée dans le ReR - décidément, les jeunes délinquants de banlieue
n'ont plus de limite... on lui présenta plusieurs photographies. elle en
reconnut quelques-uns. Ils furent mis en examen et incarcérés. Tous protestèrent avec véhémence. L'examen psychiatrique de la policière mis en
évidence un certain nombre de signes évocateurs d'un état confuso-onirique
au moment des faits présumés. La façon dont elle décrivait le viol, les détails
anatomiques de ses agresseurs, l'atmosphère terrifiante, la chronologie, les
antécédents, le profil de personnalité... étaient fortement évocateurs d'un
épisode pathologique aigu vécu comme une sorte de cauchemar éveillé. elle
était sincère. L'expert, dans l'oralité de ses échanges avec la juge d'instruction comme dans la rédaction de son rapport d'expertise, ne pouvait pas
dire que les agresseurs présumés étaient innocents. Il pouvait seulement
faire l'hypothèse forte d'un moment pathologique aliénant traversé par la
plaignante, évocateur d'un épisode confuso-onirique. Il faut convenir que
cela revenait pratiquement au même.
un tueur en série présumé nie formellement les charges qui pèsent
contre lui. elles sont écrasantes. Au cours de longues heures d'expertise,
il a réponse à tout. Il ne révèle aucune difficulté personnelle, aucun conflit,
aucune période douloureuse de son existence. Quand on l'interroge sur ses
années de prison, les faits de violences antérieurs, les contradictions entre
les données du dossier et celles de l'examen, il minimise, banalise, édulcore
et, si besoin, invoque le mensonge, toujours celui des autres. Ce qui est
surtout remarquable après un long temps d'examen, c'est que l'on ne sait
rien de lui. Tout évoque un clivage du Moi, entre une pseudo-normalité
de façade et des conduites qui échappent à toute verbalisation. S'il m'était
évidemment impossible de confirmer les charges pesant contre lui, il est
exact que le « costume que je lui ai taillé » allait fort bien avec l'hypothèse
de sa culpabilité. ou, plus sérieusement, que ce que j'ai décrit en termes
de tripôle à pondération variable (psychopathie, perversion, angoisse de
néantisation) autour d'un clivage du Moi était tout à fait compatible avec les
actes qu'il est supposé avoir commis. Ce faisant, en demeurant strictement
dans le champ qui est le mien, je ne peux échapper à la critique de Michel
foucault lorsqu'il dénonçait ces expertises qui relèvent d'une adéquation
miraculeuse entre les faits présumés et la personnalité. Mais toute la différence entre le Diafoirus des prétoires et l'expert sérieux, c'est que ce dernier

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