Bibliothèque de droit public - Tome 302 - Les interventions des tiers porteurs d'intérêts collectifs dans les contentieux constitutionnels incidents français et italien - 119

L'OUVERTURE DU DÉBAT CONTRADICTOIRE EN RAISON DE SA DOUBLE FONCTION

des parties de participer à la procédure devant le Conseil constitutionnel et « de
présenter contradictoirement leurs observations ». C'est enfin le cas du Conseil
constitutionnel lui-même qui, lors de l'adoption des dispositions précitées de son
Règlement concernant le déroulement de la procédure, a tenu à s'assurer du respect du principe du contradictoire et de l'égalité des armes des parties.
293. La garantie d'un échange d'arguments contradictoires entre les parties
n'est donc aujourd'hui plus susceptible d'être remise en question, que ce soit devant
le Conseil constitutionnel ou devant la Consulta. Cependant, cette approche commune ne correspond pas à une conception substantielle commune du débat contradictoire et de sa fonction pour l'élaboration de la décision. Dans le débat
contradictoire, il est possible, en effet, d'identifier un profil subjectif, d'exigence de
protection des parties, et un profil objectif, de réalisation de la justice et de la primauté de la Constitution33. Bien que l'exigence de garantie subjective s'impose
aujourd'hui en vertu de la jurisprudence européenne, c'est la structure propre à
chaque procédure qui permet de privilégier l'un ou l'autre des deux profils du débat
contradictoire et influence la place des parties et leur possibilité effective de contribuer au raisonnement judiciaire. Cela a alors une incidence sur la position assumée
par le juge constitutionnel sur la recevabilité des interventions.

§ 2. LA COEXISTENCE DES DEUX FONCTIONS
DU DÉBAT CONTRADICTOIRE DANS LES DIFFÉRENTS CONTENTIEUX
CONSTITUTIONNELS INCIDENTS

294. Le débat contradictoire est donc un acquis des procédures de contrôle
de constitutionnalité incident, objet de notre étude. L'évolution de son affirmation montre d'ailleurs les différentes fonctions qui peuvent être remplies par cet
outil essentiel, atout de la procédure juridictionnelle.
295. L'organisation d'un moment d'échange d'arguments et de confrontation entre les parties et leurs différentes positions constitue le cœur du procès, à tel
point que l'on a pu affirmer que le débat contradictoire représentait l'élément
essentiel et incontournable de la procédure juridictionnelle contentieuse et que,
sans lui, on ne saurait qualifier une procédure de « procès »34.
296. En ce sens, le principe du contradictoire, en dévoilant son profil « subjectif », est d'abord conçu comme une garantie à l'égard des personnes qui sont
touchées par les effets du procès et qui doivent avoir la possibilité de défendre leur
position juridique dans le contentieux susceptible de leur porter atteinte (A).
33. A. Ruggeri, « In tema di contraddittorio e processo costituzionale, ovvero del "pluralismo"
nei giudizi sulle leggi quale condizione della "costituzionalità" del processo », op. cit., p. 555-556 ;
Th. Santolini, Les parties dans le procès constitutionnel, op. cit., p. 293.
34. Ces considérations sont rappelées, dans la doctrine italienne, par A. Ruggeri, « In tema di
contraddittorio e processo costituzionale, ovvero del "pluralismo" nei giudizi sulle leggi quale condizione della "costituzionalità" del processo », op. cit.,p. 556. L'auteur, néanmoins, après avoir cité les
positions de ceux qui définissent le débat contradictoire en tant qu'élément incontournable du procès,
soutient la position contraire. Il affirme que ce n'est pas le contradictoire qui fait d'une procédure un
procès, parce que, d'une part, il n'est pas toujours indispensable - pourvu qu'il y a certaines procédures juridictionnelles qui, bien que ne prévoyant pas un débat contradictoire, sont considérées des
procès - et, d'autre part, il n'est même pas toujours suffisant pour qu'on puisse qualifier une procédure de « procès ».

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