Bibliothèque de droit public - Tome 302 - Les interventions des tiers porteurs d'intérêts collectifs dans les contentieux constitutionnels incidents français et italien - 238

216

LES INTERVENTIONS DES TIERS PORTEURS D'INTÉRÊTS COLLECTIFS
DANS LES CONTENTIEUX CONSTITUTIONNELS INCIDENTS FRANÇAIS ET ITALIEN

731. Le même schéma a ensuite été suivi avec la reconnaissance du droit
d'ester en justice d'associations impliquées dans d'autres domaines. Une clause
d'habilitation générale se retrouve dans la loi sur les associations de 1901. Pourtant, comme cela a été le cas pour les syndicats s'agissant d'une norme de la même
teneur, cette clause ne s'est pas révélée suffisante pour fonder une jurisprudence
constante en matière de droit d'ester en justice pour les associations, dans la
défense des intérêts qu'elles promeuvent. Par conséquent, afin de préciser les
associations qui peuvent être titulaires du droit d'ester en justice en défense d'un
intérêt collectif, des lois d'habilitation ad hoc ont été adoptées à partir de 191510.
732. La reconnaissance législative du droit d'agir et d'intervenir en justice
des associations se poursuit, nonobstant quelques ralentissements11. Au cours des
années 1970, elle connaît une augmentation extraordinaire, au rythme d'environ
une loi par an. On assiste ainsi à l'habilitation à ester en justice en défense d'intérêts collectifs en faveur d'associations contre le racisme, pour la protection des
consommateurs ou de l'environnement12.
733. Le même chemin va être suivi en Italie, avec un décalage de quelques
décennies néanmoins. Les groupes sociaux sont reconnus et protégés par la Constitution italienne en raison de leur rôle dans l'épanouissement de l'individu. La référence se trouve d'abord à l'article 2 de la Constitution, en vertu duquel « La
République reconnaît et garantit les droits inviolables de l'homme, comme individu
et comme membre de formations sociales où s'exerce sa personnalité, et exige l'accomplissement des devoirs de solidarité politique, économique et sociale auxquels il
ne peut être dérogé ». L'article 18, ensuite, reconnaît le droit d'association en établissant dans son premier alinéa que « Les citoyens ont le droit de s'associer librement, sans autorisation, à des fins que la loi pénale n'interdit pas aux individus ».
734. Il a pourtant fallu longtemps avant que l'ordre juridique ne leur confère
le droit d'ester en justice ou d'intervenir en défense des intérêts qu'ils poursuivent. Nonobstant les pressions de la doctrine et quelques jurisprudences favorables, la structure du procès, strictement calée sur la défense de situations juridiques
subjectives, s'opposait à l'introduction d'une action d'intérêt collectif13.
décision de 1913 susmentionnée, l'article 6 de cette loi disposait dans son premier alinéa que « [l]es
syndicats professionnels de patrons ou d'ouvriers auront le droit d'ester en justice ». Toutefois, vu que
l'interprétation jurisprudentielle majoritaire de cette norme considérait qu'elle n'introduisait pas un
droit d'ester en justice en représentation d'intérêts collectifs, une norme ad hoc a été nécessaire.
10. La première de ces lois, émanée le 10 juillet 1915, prévoyait que, en matière de travail à domicile, les syndicats et les associations expressément autorisées par décret du Ministère du travail étaient
habilités à agir en justice contre les violations de la dite loi. Par la suite, la loi du 9 novembre 1915,
relative aux débits de boissons, introduisait l'habilitation à agir en justice ou à ester en justice en qualité de partie civile pour « les associations constituées pour la lutte contre l'alcoolisme ayant obtenu la
reconnaissance d'utilité publique » (article 14 de la loi citée). Sur l'adoption progressive de ces lois,
voir L. Boré, La défense des intérêts collectifs par les associations devant les juridictions administratives
et judiciaires, LGDJ, Paris, 1997, p. 47 sqq.
11. Entre 1923 et 1960, on assiste à l'adoption d'une nouvelle loi d'habilitation tous les cinq ans
en moyenne, notamment en matière de défense de la moralité (1939), de la famille (1945), de la jeunesse (1949), des auteurs (1957) ou des travailleurs handicapés (1960). Dans les années 1960, en
revanche, cette production normative subit un coup d'arrêt, en raison d'une hostilité à l'égard des
actions d'intérêt collectif, de la part du législateur mais aussi des juridictions. Elle reprend ensuite en
1972, avec l'habilitation des associations contre le racisme. Voir ibidem, p. 50 sq.
12. Ibidem, p. 51 sqq.
13. V. Denti, « Relazione introduttiva », in AA.VV., Le azioni a tutela di interessi collettivi, Atti
del convegno di Pavia dell'11 e 12 giugn° 1974, op. cit., p. 17 ; G. Alpa, « Interessi diffusi », Dig.
disc. priv., IX éd., UTET, Turin, 1993, p. 610.

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit public - Tome 302 - Les interventions des tiers porteurs d'intérêts collectifs dans les contentieux constitutionnels incidents français et italien