Bibliothèque de droit public - Tome 302 - Les interventions des tiers porteurs d'intérêts collectifs dans les contentieux constitutionnels incidents français et italien - 300

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LES INTERVENTIONS DES TIERS PORTEURS D'INTÉRÊTS COLLECTIFS
DANS LES CONTENTIEUX CONSTITUTIONNELS INCIDENTS FRANÇAIS ET ITALIEN

nouveaux griefs, ceux-ci vont normalement rebondir et renforcer les arguments
du requérant49. Si, en revanche, le tiers présente des observations qui argumentent
dans un sens opposé à la demande de la partie requérante, il demande normalement une déclaration de constitutionnalité de la norme censurée et n'a donc
aucun intérêt à soulever des griefs nouveaux.
971. Ce sont les deux cas de figure les plus fréquents qui couvrent la quasitotalité des hypothèses d'interventions. Toutefois, il peut également se trouver
qu'un tiers intervienne en demandant lui aussi une déclaration d'inconstitutionnalité, mais en soulevant des moyens et des arguments qui pourraient conduire à
une décision défavorable au requérant.
972. C'est ce qu'il s'est passé lors du contrôle de la norme pénale portant sur
le délit de harcèlement sexuel50. L'Association européenne contre les violences
faites aux femmes au travail est intervenue dans la procédure, en rebondissant sur
les arguments du requérant, qui demandait l'abrogation de la norme pour définition insuffisante des éléments constitutifs du délit, en violation du principe de
légalité des délits et des peines. Cependant, l'association, au nom de la protection
de l'ordre public, de la dignité humaine et de la bonne administration de la justice,
demandait une déclaration d'inconstitutionnalité avec effets différés, pour permettre au législateur d'adopter une disposition conforme à la Constitution51.
Dans ce cas d'espèce, l'intervention du tiers porteur d'intérêts collectifs, et notamment son recours à la faculté de soulever des griefs nouveaux, allait effectivement
dans un sens défavorable au requérant. En demandant l'effet différé de l'abrogation, l'association demandait que la norme s'applique aux litiges en cours et que,
par conséquent, les requérants et les autres accusés dans des procès similaires ne
puissent pas en bénéficier. Même dans une pareille hypothèse, cependant, la situation processuelle de la partie est garantie par le fait qu'elle peut répondre aux
arguments du tiers avec un mémoire en réplique.
973. On parvient ainsi à la deuxième raison, normative et structurelle, qui
garantit la protection de la place processuelle de la partie et de ses droits de la
défense vis-à-vis des ingérences des tiers. En effet, le Conseil constitutionnel a pris
soin d'assurer un échange contradictoire entre les parties et les tiers. L'article 6
prévoit ainsi non seulement que les observations des tiers sont transmises aux
parties, mais aussi que, lorsqu'elles contiennent des griefs nouveaux, elles sont
transmises avec l'indication des termes dans lesquels les parties peuvent y
répondre52. Cela permet, d'une part, que les parties puissent contester, le cas
échéant, les arguments présentés en soutien des griefs nouveaux et, d'autre part,
qu'elles aient l'occasion de rebondir sur les observations des tiers.
49. Voir notamment CC déc. n° 2010-92 QPC.
50. CC déc. n° 2012-240 QPC du 2 mai 2012, avec l'intervention de l'Association européenne
contre les violences faites aux femmes au travail - AVFT.
51. Le Conseil constitutionnel a, en revanche, prononcé une décision d'abrogation avec effet
immédiat. Au nom du principe de légalité des délits et des peines, imposant que nul ne puisse être
condamné pour un crime ou un délit sans que les éléments constitutifs de ce dernier soient suffisamment définis, il ne pouvait pas admettre le maintien en vigueur, quoique temporaire, d'une disposition
permettant que « le délit de harcèlement sexuel soit punissable sans que les éléments constitutifs de
l'infraction soient suffisamment définis ».
52. L'article 6 al. 4, en fait, effectue un renvoi à la procédure de communication dictée à l'article 7
lorsque les observations des tiers « comprennent des griefs nouveaux ». L'article 7 impose en effet que
« [l]es griefs susceptibles d'être relevés d'office sont communiqués aux parties et autorités mentionnées à
l'article 1er pour qu'elles puissent présenter leurs observations dans le délai qui leur est imparti ».

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