Bibliothèque de droit public - Tome 302 - Les interventions des tiers porteurs d'intérêts collectifs dans les contentieux constitutionnels incidents français et italien - 315

UN OUTIL INSUFFISAMMENT VALORISÉ

293

1035. Les fonctions, respectivement, de représentation et de collaboration constituent deux fondements différents sur la base desquels l'élargissement du débat contradictoire peut être justifié. Ces deux fonctions peuvent fonder deux types différents
d'interventions, avec des conséquences possibles sur le statut du tiers intervenant116.
Cependant, dans la jurisprudence et dans cette étude, la notion de représentation est
parfois également utilisée dans une conception non strictement juridique, en tant
qu'action de représenter, c'est-à-dire de rendre présent ce qui est absent117.
1036. Eu égard à la jurisprudence sur la recevabilité des ordres professionnels, il paraît difficile de parler d'une véritable « représentation » au sens juridique
du terme et, donc, d'interventions censées nourrir le profil subjectif du débat
contradictoire. Cette interprétation est d'ailleurs confirmée par une jurisprudence
ultérieure, dans laquelle la Cour constitutionnelle désavoue la fonction de représentation de leurs membres par les ordres professionnels. En fait, dans une autre
procédure, déjà citée, concernant le régime régissant la profession d'avocat, la
Cour constitutionnelle déclare irrecevable l'intervention du Conseil national des
barreaux. Elle considère que la question de constitutionnalité posée « concerne
les intérêts professionnels de la catégorie des avocats, mais ne touche pas à des
questions relevant directement des attributions du Conseil national des barreaux,
en mettant en jeu ses prérogatives institutionnelles »118.
1037. Il est donc plus probable que le statut implicitement accordé à ces tiers
ait été un statut plus proche de l'amicus curiae, qui se rattachait à une intervention
fondée sur un but collaboratif, reconnu à ces groupes en raison de leurs prérogatives institutionnelles. La fonction de représentation reconnue par la Cour constitutionnelle à ces ordres professionnels doit ainsi être interprétée dans son sens
courant, et non juridique. Elle signifie alors l'action de représenter dans le débat
des éléments qui n'y étaient pas.
1038. Cela explique d'ailleurs la souplesse des juges constitutionnels dans
l'évaluation de la recevabilité de ces interventions. En effet, comme nous le verrons
par la suite, la Cour ne s'estime pas tenue par des exigences de justification de son
changement d'approche lorsqu'elle décide de refuser ce type d'interventions119.
1039. Cette approche favorable à l'élargissement du débat contradictoire à
des tiers porteurs d'intérêts collectifs touchés par la question, avec une fonction
collaborative, a ainsi fait son entrée dans la jurisprudence de la Cour constitutionnelle pendant un moment, bien que dans des proportions réduites.
1040. Toutefois, elle n'appartient qu'aux archives et n'a pas laissé de traces
dans le régime actuel en matière d'interventions, sauf à être évoquée de manière
ponctuelle et systématique par les tiers intervenants qui demandent un nouveau
revirement. Les juges constitutionnels, en effet, ont de nouveau recadré les interventions des tiers dans les limites de l'exigence de garantie des droits de la
défense120. Ils ont ainsi décidé de l'exclusion, jusqu'à aujourd'hui définitive, des
interventions fondées sur l'utilité de la contribution à l'identification et à la compréhension des intérêts et du contexte touchés par la décision.
116. Sur ces distinctions voir infra, par. 1352 sqq.
117. Sur ces définitions voir supra, dans l'introduction, par. 84 sq.
118. Cour const. it. déc. n° 43/2009. Voir supra, spéc. par. 464 et 470 sqq.
119. Voir infra, par. 1044 sqq., spéc. 1058-1059.
120. Voir supra, spéc. par. 472.

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit public - Tome 302 - Les interventions des tiers porteurs d'intérêts collectifs dans les contentieux constitutionnels incidents français et italien