Bibliothèque de droit privé - Tome 584 - La recherche d'un statut de l'oeuvre transformatrice - 304

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LA RECHERCHE D'UN STATUT DE L'ŒUVRE TRANSFORMATRICE

Le recours aux droits fondamentaux désigne la mise en œuvre d'une logique
qui leur est propre. Théoriquement, les droits et libertés fondamentaux sont
d'égale valeur. Cette particularité empêche toute hiérarchisation. Deux conséquences, liées, découlent de ce constat. D'une part, les droits et libertés fondamentaux sont nécessairement relatifs10 et, d'autre part, il est logiquement dans leur
nature de se concilier11. Le principe de proportionnalité constitue l'instrument
principal de cette conciliation12.
Cette logique des droits fondamentaux est la source et la mesure d'une partie du
contrôle de constitutionnalité exercé par le Conseil constitutionnel13. Bien évidemment, elle imprègne aussi les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme,
dont la mission consiste à contrôler le respect par les États membres, à l'égard des
citoyens, des droits et libertés fondamentaux inscrits dans la Convention européenne
des droits de l'homme14. Au demeurant, depuis l'entrée en vigueur de la Charte des
droits fondamentaux de l'Union européenne en décembre 2009, il est à gager que la
Cour de justice accentuera son recours à un tel type de raisonnement15.
396. L'extension du contrôle. À l'origine, les droits et libertés fondamentaux
avaient vocation à être invoqués à l'encontre de l'État par les citoyens, soit dans
une perspective verticale. Cependant, l'ampleur des droits et libertés fondamentaux s'est considérablement accrue, au terme d'une double extension. Les droits
et libertés fondamentaux se sont ainsi immiscés dans des domaines de plus en plus
nombreux et précis à la faveur d'une reconnaissance étendue. Leur déploiement
en droit privé a aussi conduit à leur invocation entre particuliers, à savoir dans
une perspective horizontale : les juridictions judiciaires ont acquis une place non
négligeable dans leur mise en œuvre16. Cette évolution est particulièrement
10. E. Picard, « L'émergence des droits fondamentaux en France », op. cit., spéc. pp. 26-34.
11. B. Mathieu, M. Verpeaux, Contentieux constitutionnel des droits fondamentaux, op. cit., pp. 472474. Les deux auteurs démontrent tout le paradoxe lié à une stricte égalité des droits et libertés
fondamentaux : « Cette question est obscure car le Conseil se refuse à admettre l'idée même d'une
hiérarchie entre les droits et libertés fondamentaux dont il a la charge d'assurer le respect, alors même que
la conciliation qu'il est conduit à opérer entre des droits et libertés antagonistes relativement à leur mise en
œuvre, manifeste une certaine hiérarchisation entre ces droits et libertés » (p. 472). Rappr. J. Rochfeld, Les
grandes notions de droit privé, 2e éd., PUF, 2013, « Les droits subjectifs », n° 26, pp. 192-194 : il existe deux
façons d'envisager la résolution d'un conflit de droits : la première consiste à concilier des droits d'égale
valeur alors que la seconde réside dans l'établissement d'une hiérarchie entre les droits.
12. Ibid., p. 484.
13. V. par exemple Cons. const., déc. n° 2006-540 DC, 27 juill. 2006 (loi relative au droit d'auteur
et aux droits voisins dans la société de l'information) ; Cons. const., déc. n° 2009-580 DC, 10 juin 2009
(loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet) ; Cons. const., déc. n° 2013-370,
QPC, 28 févr. 2014 (M. Mars S. et a. - exploitation numérique des livres indisponibles).
14. Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée le
4 nov. 1950 (l'organisation d'une Cour chargée du respect de cette convention est prévue au titre 2 de
la Convention), ci-après la « Convention européenne ».
15. La Cour de justice avait déjà assuré que le respect des droits fondamentaux était garanti par
l'ordre juridique communautaire et notamment les droits prévus par la Convention européenne des
droits de l'homme (CJCE, 14 mai 1974, aff. 4-73, J. Nold, Kohlen- und Baustoffgroßhandlung c./
Commission des Communautés européennes, pt. 13 ; CJCE, 22 oct. 2002, aff. C-94/00, Roquette Frères
SA c./ Directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, pts.
23-26). Depuis une décision de 2008, la Cour de justice se fonde désormais directement sur la Charte
des droits fondamentaux : CJUE, gde ch., 29 janv. 2008, aff. C-275/08, Productores de Música de
España (Promusicae) c./ Telefónica de España SAU, pt. 61.
16. Sur ce point, v. notamment L. Marino, « Les droits fondamentaux émancipent le juge :
l'exemple du droit d'auteur », JCP G 2010, 829. Pour un exposé des critiques émises par une partie de

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