Hors collection - Finances publiques et souveraineté des États - 106

QUELLE SOUVERAINETÉ FISCALE POUR LE MAROC ?

dette », amplement traité par la littérature de l'économie de développement
depuis des décennies. Ainsi, pour s'en tenir aux données contenues dans
la loi de finances pour 2017, on peut constater que si le Budget de l'État,
côté recettes, n'est « bouclé » qu'au prix de la programmation de nouveaux
emprunts atteignant 70 milliards de dirhams (soit 24 % des recettes totales),
côté dépenses, il doit dans le même temps supporter un service de la dette
qui s'élève à pas moins de 73 milliards de dirhams (soit 23 % des dépenses
totales). On en est ainsi réduit à emprunter 70 milliards de dirhams pour
être juste en mesure de rembourser 73 milliards de dirhams en simple
service de la dette. Autrement dit, de nouveaux emprunts de l'ordre du
quart de nos recettes juste pour rembourser un service de la dette qui
s'accapare près du quart de l'ensemble de nos dépenses... Par ailleurs, le
même service de la dette absorbe chaque année plus du tiers des recettes
fiscales collectées dans le pays.
Peut-on mieux illustrer l'impasse de la dette et partant la perte de souveraineté qui en découle ?

IV - REPENSER LE SYSTÈME POUR RETROUVER
LES VOIES DE LA SOUVERAINETÉ FISCALE
En résumé, force est de constater que la réforme des années 1980
a produit un système qui a certes réduit sa « pression » mais n'a guère
élargi son « assiette », de sorte qu'il s'est assez rapidement révélé tout aussi
inefficace qu'inéquitable. Inefficace parce qu'inéquitable... et inversement.
Un tel modèle n'est pas soutenable. Financièrement certes parce que,
comme on l'a vu, il conduit inéluctablement à l'endettement et porte en
lui les germes de l'insécurité fiscale et partant d'un processus rampant de
perte de souveraineté... Mais économiquement non plus, un tel modèle
n'est pas soutenable. En reposant principalement sur les consommateurs,
les salariés et quelques « gros contribuables », il travaille à comprimer les
dépenses de consommation et à réduire les revenus du travail au profit
du capital lui-même et de ses hauts revenus, et donc à contenir une part
importante de la demande interne. Par là même, il permet une certaine
démobilisation du surplus existant, voire son affectation à des fins plutôt
éloignées des besoins réels de l'économie. Le problème est que, profondément inégalitaire, le « modèle de développement » du pays aussi travaille
à limiter les dépenses de consommation et les revenus du travail, au moment
où il favorise le capital et les hauts revenus. De sorte que le paradoxe est
saisissant : un système fiscal qui « s'acharne » sur la partie de l'assiette fiscale
que les politiques économiques et sociales s'appliquent à limiter, et ignore

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