Hors collection - Finances publiques et souveraineté des États - 145

JEAN-PIERRE CAMBY

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Comme souvent en matière d'affirmation de droits, la révolution
française vise sur ce point à l'exemplarité. Un décret de l'Assemblée, du
17 juin 1789, considère que « les contributions, telles qu'elles se perçoivent
actuellement dans le royaume, n'ayant pas été consenties par la nation,
sont toutes illégales et par conséquent nulles dans leur création, extension ou prorogation », tout en autorisant la poursuite de leur perception
à titre transitoire. L'origine conventionnelle ou révolutionnaire marque la
force du principe : pas d'impôt sans consentement. Le système représentatif aboutit à préciser : sans consentement des représentants. Tel est le cas
de l'article XIV de la Déclaration des droits de l'homme, qui rend nécessaire l'approbation parlementaire. Celle-ci est même considérée comme
exclusive : les citoyens ne consentent pas par eux-mêmes l'impôt, c'est le
parlement qui a le monopole de l'autorisation des dépenses, et donc des
recettes4.
Ce principe d'exclusivité est contrebalancé par un autre principe : celui de
l'importance du budget dans les politiques publiques. Si on peut toujours
imaginer qu'un État fonctionne sans législation sur la liberté d'entreprendre, le droit de l'environnement ou celui de la concurrence, en revanche
il ne saurait fonctionner sans budget. On en déduira que tout exécutif
a besoin de déterminer lui-même ses dotations budgétaires, en particulier
pour assurer le fonctionnement de services publics régaliens : police, justice,
défense, douanes, etc. mais aussi des politiques publiques qu'il assure ou
qu'il décide : transports, énergie, santé, etc. On peut en tirer deux conséquences : d'une part le gouvernement détient souvent un monopole de
l'initiative budgétaire, d'autre part il doit pouvoir décider lui-même du
rythme des dépenses et de leur adaptation à des besoins administratifs qu'il
est seul à maîtriser. Il faut donc concilier l'autorisation parlementaire, qui
correspond à une exigence démocratique avec la maîtrise d'ensemble de
l'exécutif, qui correspond à une exigence de continuité du fonctionnement
de l'État.
Le moyen de compenser cet abandon de souveraineté, pour les parlements, a été de donner une place de plus en plus grande au contrôle
parlementaire, de manière à développer une faculté d'évaluation, mais il faut
reconnaître que celle-ci, en France, ne s'inscrit pas naturellement dans la
culture parlementaire : les parlementaires français, pour l'essentiel, préfèrent
4. L'affirmation du Conseil constitutionnel dans la décision « Kimberly Clark », l'une des
premières rendues en matière de QPC, le 18 juin 2010 (n° 2010-5), est claire : « les dispositions de l'article 14 de la Déclaration de 1789 sont mises en œuvre par l'article 34 de la
Constitution et n'instituent pas un droit ou une liberté qui puisse être invoqué, à l'occasion
d'une instance devant une juridiction, à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ». Le consentement à l'impôt
relève seulement de la compétence des représentants du peuple.
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