Systèmes - Communications numériques - 1re - 70

Communications numériques

I.

La régulation par le droit souple

Un droit pour « inciter, inviter, recommander, conseiller »1 ?
C'est à partir des années 1980 que s'est développée en France une
réflexion sur la norme tendant à considérer qu'il fallait étendre la
définition du droit à des pratiques non contraignantes, quitte à
s'écarter du positivisme2. Le paradigme d'un droit obligatoire et
contraignant permettait de laisser de côté tout ce que les AAI produisent au quotidien, à savoir les recommandations, déclarations,
lignes directrices, notes d'informations, avis, mises en garde et
autres chartes de bonne conduite, guides, référentiels3, etc., sans
se soucier de leur régime juridique. L'adoption de ces documents
permet aux autorités de régulation de procéder à des ajustements
réguliers, conformément d'ailleurs à ce qui est attendu de ce type
d'encadrement. C'est donc l'avènement de la régulation, et plus
exactement la régulation économique, qui engendre l'édiction de
textes dotés « d'un mode de rédaction et une présentation formelle
libres, disponibles, choisis au quotidien de l'action de régulation, et
choisis davantage pour séduire et provoquer l'adhésion, intimider ou
susciter en contournant le droit, que pour signifier »4. L'idée est que
ces textes génèrent par eux-mêmes - « naturellement » - une
influence significative à l'égard de ceux censés les appliquer, orientant notamment la conduite des opérateurs sur le marché, sans se
borner, selon la formule de Portalis reprise par le Conseil d'État, à
« ordonner, prescrire ou interdire » dans le respect de la sécurité
juridique5. L'élaboration de modalités techniques et d'orientations
essentielles, l'émergence d'une doctrine, la rapidité d'action, privilégient des mécanismes d'implication des parties prenantes à leur
élaboration. L'on peut légitimement se demander s'il s'agit de règles
1. THIBIERGE C., « Le droit souple - Réflexion sur les textures du droit », RTD civ. 2003, p. 599.
2. CARBONNIER J., Flexible droit - Pour une sociologie du droit sans rigueur, 1re éd., 1969, LGDJ ;
AMSELEK P., « L'évolution générale de la technique juridique dans les sociétés occidentales », RDP 1982, p. 275 ; ATIAS C., « Normatif et non normatif dans la législation récente du
droit privé », RRJ 1982, p. 219 ; AUBY J.-B., « Prescription juridique et production juridique »,
RDP 1988, p. 673 ; DELMAS-MARTY M., Le flou du droit, 1986, PUF, coll. Les voies du droit ;
CHEVALLIER J., L'État post-moderne, 1re éd., 1998, préc. ; THIBIERGE C., « Le droit souple -
Réflexion sur les textures du droit », préc. ; Association Henri Capitant (dir.), Le droit souple
- Journées Nationales de Boulogne-sur-Mer, t. XIII, 2009, Dalloz, coll. Thèmes & commentaires ; BOECOMEI V. et FURT J.M., « L'évolution de la réglementation de la qualité : une contribution à la théorie du droit souple », LPA, 21 juin 2006, p. 6 ; VIGOUROUX C., « Du droit "mou" au
droit "souple" », AJDA 2013, p. 1825.
3. V. en ce sens, THIBIERGE C., « Le droit souple - Réflexion sur les textures du droit », préc.
4. GAUDEMET Y., « La régulation économique ou la dilution des normes », préc.
5. Rapport du Conseil d'État, p. 189 et 182 ; reprenant les considérations du rapport,
VIGOUROUX C., « Du droit "mou" au droit "souple" », AJDA 2013, p. 1825.

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