Systèmes - Communications numériques - 1re - 71

Les modes de régulation quasi juridiques

de droit6. En tout état de cause, le droit souple ne permet pas d'ériger un droit autonome de la régulation pouvant être aussi sécure
que les garanties offertes par le contrôle juridictionnel7.
Le rapport du Conseil d'État de 2013 a eu un effet d'entraînement
assez étonnant au regard de l'autorité de cette institution, en conférant aux actes de droit souple un « brevet de juridicité »8 qu'il a eu
l'occasion de soumettre au test de la recevabilité quelques années
après, cette fois-ci en qualité de juge9. Le Conseil d'État a, en effet,
souhaité intégrer le droit souple à l'ordonnancement juridique en
proposant une définition empirique de la notion se référant tantôt à
la forme de l'acte, tantôt à ses effets10. Pour le Conseil, le droit souple s'inscrit dans le champ du droit et s'insère dans une « échelle de
normativité graduée ». L'acte de droit souple ne crée pas par luimême de droits ou d'obligations juridiques mais vise à modifier ou
orienter les comportements de ses destinataires11. Il présente un
degré de formalisation de nature à lui donner une apparence et
une légitimité approchant celle d'un acte juridique, alors qu'il
émane d'acteurs publics ou privés, nationaux ou transnationaux.
Les critères ainsi posés, les incertitudes demeurent, la frontière
entre le droit souple et le droit dur ne s'impose pas à l'évidence
ainsi que la frontière entre le droit souple et ce qu'il convient d'appeler le « non-droit ». Le curseur de la régulation se situe à cet
endroit. Le « non-droit » existerait dans un monde où tout se dessine
par rapport à la règle de droit, dès lors qu'il ne répond pas aux critères empiriques posés par le juge12. Ce raisonnement est le « signe
de la transformation de l'État qui, volontairement ou non, renonce à
une part de son imperium »13. C'est une réalité : le droit n'est plus tel
qu'il a été. Le droit souple n'est pas défini avec précision14 (A). Et par
6. GAUDEMET Y., « La régulation économique ou la dilution des normes », RDP 2017, nº 1, p. 23 ;
Pauliat H., « Contribution du droit souple au désordre normatif », RDP 2017, nº 1, p. 59.
7. V. a contrario, Rapport du Conseil d'État pour 1991, La sécurité juridique, EDCE, nº 43, Doc.
Fr., 1992, p. 32.
8. NICOLAS E. et ROBINEAU M., « Prendre le droit souple au sérieux ? - À propos de l'étude
annuelle du Conseil d'État pour 2013 », JCP G 2013, 1116.
9. CE, ass., 21 mars 2016, nº 368082, 368083, 368084, AMF/sté Fairvesta International GmbH ;
CE, ass., 21 mars 2016, nº 390023, Autorité de la concurrence/NC Numéricable ; CE,
10 nov. 2016, nº 384691, CSA ; CE, 13 déc. 2017, nº 401799, Bouygues Télécom.
10. Conseil d'État, Le droit souple, rapport annuel 2013, La Doc. franç., 2013.
11. Id.
12. NICOLAS E. et ROBINEAU M., « Prendre le droit souple au sérieux ? - À propos de l'étude
annuelle du Conseil d'État pour 2013 », préc.
13. SAUVÉ J.-M., « Où va l'État ? », intervention à l'occasion des 80 ans de la revue Esprit, tableronde sur Les transformations de l'État, effacement ou montée en puissance ?, 8 avr. 2013.
14. DEUMIER P., « Quand le droit souple rencontre le droit dur », RTD civ. 2016, p. 571.

71
Systèmes - Communications numériques - 1re

Table des matières de la publication Systèmes - Communications numériques - 1re
