Systèmes - Syndicalisme et droits syndicaux - 1re - 24

Syndicalisme et droits syndicaux

L'invasion de la Pologne achève la réunification. « En 1939 comme en 1922,
les communistes ont quitté la CGT ; en 1922, volontairement ; en 1939,
expulsés. Tandis qu'en 1922 ils avaient pu constituer librement la CGTU,
en 1939 ils sont condamnés à la clandestinité »15. Le gouvernement
d'Édouard Daladier (1884-1970) a prononcé en effet la dissolution de toutes
les organisations communistes ou para-communistes. Certains comme
Frachon ont pu échapper à l'arrestation. D'autres comme Racamond sont
incarcérés. C'est la deuxième scission de la CGT. Les ex-unitaires n'ont pu
se reconstituer. Mais, au-delà du formalisme juridique, tous les auteurs
avec juste raison écrivent qu'il s'agit bien de la deuxième scission de la CGT.

D. Le syndicalisme dévoyé : le régime de Vichy
10. Conter l'attitude des syndicats et des syndicalistes sous le régime de
Vichy expose, faute de rigueur, à tomber dans bien des clichés. Après la
débâcle, le bureau confédéral de la CGT suit le gouvernement à Bordeaux,
mais, lorsque le régime de Vichy se met en place, René Belin le nº 2 de la
CGT derrière Jouhaux, chef de file des réformistes, accepte de devenir
ministre de la Production industrielle et du Travail. Contrairement à ce
qu'on peut imaginer - avec un regard d'aujourd'hui - la chose ne provoque
pas un scandale. La CGT en effet estime qu'il faut collaborer avec le gouvernement chargé du pays dans ces dramatiques circonstances. Elle déclare
même dans une motion adoptée à Toulouse qu'elle renonce à l'article 1er des statuts de la CGT réunifiée de Toulouse lui assignant comme finalité « la disparition du salariat et du patronat ». De même, les anciens articles 23 et 33 sont remplacés par des articles empruntés à la législation sur
la conciliation et l'arbitrage. La CGT préconise une communauté française du
travail. Au total, toute la tactique de la CGT consiste à réclamer une place
dans le nouveau régime. Mais ces espoirs sont déçus. Le coup de poignard
vient de Belin lui-même qui dans son décret du 9 novembre 1940 porte dissolution de la CGT, de la CFTC mais aussi et encore de la Confédération
générale du patronat français16. Il est délicat de reconstituer les sentiments
des nombreux syndicalistes qui approuvent la présence de Belin, qui
demeure au ministère du Travail jusqu'en avril 1942.
La personnalité de René Belin reste, au-delà des caricatures, à bien des
égards assez énigmatique. Ce qui le guide, c'est l'hostilité au communisme.
C'est cela qui structure et explique tous les choix ultérieurs. Il est le principal rédacteur de la Charte du travail du 4 octobre 1941, fruit d'un compromis
laborieux entre l'entourage le plus direct du maréchal Pétain (1856-1951),
favorable au retour des corporations, et René Belin qui veut maintenir le
syndicalisme. Le résultat est un compromis simultanément mal conçu et
mal rédigé. En effet, les travailleurs de l'industrie privée pourront adhérer
au syndicalisme, mais les syndicats devinrent très différents de ce qu'ils
15. G. LEFRANC, op. cit., p. 81
16. V. ANDOLFATTO et LABBÉ, préc. ; D. ZERVUDACKI, Patronats dans le monde, PUF, 1999.

Systèmes - Syndicalisme et droits syndicaux - 1re

Table des matières de la publication Systèmes - Syndicalisme et droits syndicaux - 1re