Systèmes - Le service public du développement économique - 1re - 57

L'interpénétration des ordres juridiques

1. Les États d'Amérique
64. L'image du benchmarking révèle en creux l'influence des États-Unis
d'Amérique sur la tradition juridique française : car la technique a été inventée dans les années 1980 par les entreprises américaines comme Xerox,
pour faire face à la concurrence japonaise.
À partir des années 1970, le pays a ouvertement utilisé tous les moyens
à sa disposition - militaires, diplomatiques, monétaires, financiers, économiques et juridiques - pour façonner le monde à son image. S'il a notamment su user de « the mobilisation of private sector resources », « the use of
contracting power by multinational corporations » et du lobby constant de ses
cabinets d'affaires12, l'application extraterritoriale de la loi américaine
donne parfois l'impression que c'est le droit international qui est subordonné à la Constitution fédérale de 1787 et non le contraire : comme l'ont
relevé Serge Sur13 ou François Ost et Michel van de Kerchove14.
La France n'a pas échappé à cette influence. Non seulement c'est elle
qui sous-tend le tournant de la rigueur pris par le gouvernement Mauroy en
1983 et la relance de la construction européenne opérée à partir de 1986
avec l'adoption de l'Acte unique européen, mais nombreux sont les travaux
parlementaires à justifier certaines réformes par le souci de rattraper le
« retard » pris par le SPDE en droit interne sur le droit américain et rester
compétitif en matière économique15. Cet objectif reflète toutefois dans le
même temps le caractère instrumental des solutions inspirées par le droit
américain : il ne s'agit pas tant de faire comme lui mais d'évaluer la meilleure réponse à apporter à un défi commun, en conciliant les intérêts en
présence de la manière la plus compétitive possible. D'où des transpositions-adaptations qui masquent parfois la volonté stratégique de démarquer
les actions du SPDE du modèle « états-unien » pour tirer un avantage compétitif de ses différences par rapport à lui.
Tandis, par exemple, que le droit américain pénalise le droit des affaires,
le droit français limite cette pénalisation aux « manquements au devoir de
probité » dont peuvent se rendre coupables les « personnes exerçant une
fonction publique » (C. pén., art. 432-10 et s.). Les infractions au droit de la
concurrence commises par les opérateurs économiques relèvent pour leur
part de la législation commerciale, moins infamante et moins sévère puisqu'elles ne peuvent conduire à des peines d'emprisonnement. Alors que le
droit américain autorise les administrations fédérales à exploiter les données personnelles à la disposition des administrations, le droit français promeut au contraire la protection des données personnelles16. Tandis que le
12. V. OECD, Development Co-operation Peer Reviews: United States 2016, OECD, 2016, p. 1 s.
13. SUR S., « L'État entre éclatement et mondialisation », RBDI, 1997-1, p. 14.
14. OST F. et VAN DE KERCHOVE M., De la pyramide au réseau ?, Facultés Universitaires SaintLouis Bruxelles, 2002, p. 112.
15. V. Doc. AN 2008-908, p. 30.
16. V. L. nº 2018-493 du 20 juin 2018.

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