Hors collection - Contrats de droit privé et contrats de droit administratif - 87

STÉPHANE DE LA ROSA, DIMITRI HOUTCIEFF, DENIS MAZEAUD 79

Le dernier cas de figure est sûrement celui par lequel le juge peut
être conduit à suivre un raisonnement causaliste. Rechercher les avantages économiques que la personne publique se procurerait en concluant
le marché revient nécessairement à revenir au mobile du contrat, donc
à rechercher - sans vraiment le dire - la cause subjective du contrat. La
différence de raisonnement avec le juge administratif doit toutefois être
relevée : dans les rares cas où celui-ci fait application de la cause subjective,
elle se trouve être associée à l'existence d'une illégalité. Dans la logique de
la Cour, l'intérêt du pouvoir adjudicateur est exclusivement d'ordre économique : il s'agit d'apprécier son mobile économique, à savoir l'avantage
qu'il retirera de la prestation définie au contrat et le risque, concomitant,
qu'il fausse la concurrence et la liberté d'accès à la commande publique en
ne soumettant pas ledit contrat à des mesures de publicité.
Encore peu mobilisé dans la pratique jurisprudentielle de la Cour de
justice57, ni dans celle du juge administratif58, ce critère a été utilisé par
la Cour de cassation, afin de qualifier un contrat de recyclage de déchets
conclu par la SNCF. La compétence du juge judiciaire était ici justifiée par
la qualité d'entité adjudicatrice de l'entreprise ferroviaire. En s'appuyant
expressément sur la jurisprudence Helmut Müller, la Cour de cassation
approuve la cour d'appel d'avoir rejeté le recours au motif que le traitement des déchets vise à la satisfaction d'un objectif public d'intérêt général
57. V. toutefois, CJUE, 21 déc. 2016, Remondis GmbH & Co. Region Nord c. Region
Hannover, aff. C-51/15, ECLI:EU:C:2016:985, pt. 43 : « seul un contrat conclu à titre
onéreux peut constituer un marché public relevant de la directive 2004/18, ce caractère
onéreux impliquant que le pouvoir adjudicateur qui conclut un marché public reçoive en
vertu de celui-ci, moyennant une contrepartie, une prestation devant comporter un intérêt
économique direct pour ce pouvoir adjudicateur (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2010,
Helmut Müller, C-451/08, EU:C :2010:168, points 47 à 49). Le caractère synallagmatique
du contrat est ainsi une caractéristique essentielle d'un marché public, comme l'a relevé
M. l'avocat général au point 36 de ses conclusions. Or, indépendamment de la circonstance
qu'une décision relative à l'attribution de compétences publiques ne relève pas du domaine
des transactions économiques, le fait même qu'une autorité publique soit déchargée d'une
compétence dont elle était précédemment investie fait disparaître, dans son chef, tout intérêt
économique à la réalisation des missions qui correspondent à cette compétence ».
58. CAA Lyon, 4 juill. 2013, Société Apsys, n°°12LY01556, § 11 : « les travaux ne pourront être regardés comme tendant à la réalisation d'un ouvrage correspondant aux besoins
précisés par le pouvoir adjudicateur, exécutés dans son intérêt économique direct, au sens
de la directive 2004/18 susvisée, telle qu'interprétée par la Cour de Justice de l'Union
européenne ; qu'un tel intérêt ne saurait être caractérisé par sa seule intention de favoriser le
développement économique du centre-ville ; que, dans ces conditions, la cession immobilière
en vue de laquelle ce contrat est passé, alors même qu'elle met à la charge du preneur des
obligations, ne saurait être assimilée à un contrat relevant de la commande publique, que
ce soit au regard du droit communautaire ou du droit national ; que ce contrat ne peut,
par suite, et en tout état de cause, être qualifié de contrat administratif sur ce fondement ».
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