Les Intégrales - Les sociétés civiles immobilières - 11e - 336

LES SOCIÉTÉS CIVILES IMMOBILIÈRES

principe de la gestion concurrente des biens communs posé par l'article 1421 du Code
civil. Ainsi, si chaque époux a effectivement le pouvoir de gérer concurremment les
biens communs, ce pouvoir ne saurait être étendu à celui de gérer les contrats conclus
sur ces mêmes biens. Le fait que les sommes découlant du contrat en question soient
un actif de la communauté n'a pas pour effet de conférer la qualité de contractant au
conjoint. Seul a cette qualité celui des époux qui a effectivement contracté avec la
société. Lorsque deux époux mariés sous un régime de communauté sont associés de la
société, il est dès lors judicieux de prévoir un compte courant propre à chaque époux, et
un compte courant commun sur lequel chaque époux a qualité pour exercer seul, en
demande ou en défense, les actions en justice relatives aux biens communs12.
914 Exemple. - Les enjeux sont d'importance car les apports en compte courant peuvent
représenter l'essentiel, ou une part non négligeable, du financement des opérations
sociales : ainsi, lorsqu'une SCI est constituée avec un capital social très faible et que la
société n'a pas recours au crédit, ce sont les apports en compte courant des associés qui
permettront de payer le prix d'acquisition ainsi que les travaux réalisés. Un arrêt de la
Cour de cassation du 16 avril 2013 illustre les dangers et risques que peut recéler une
mauvaise identification des comptes courants à l'occasion d'une cession et apporte des
précisions intéressantes sur les opérations passées par des époux mariés sous un régime
de communauté, associés d'une SCI13. En 2002, le mari a cédé à son épouse 59 des 60
parts qu'il possédait dans la SCI, puis dans le cadre d'une procédure de divorce, a obtenu
la désignation d'un expert pour déterminer l'existence et la consistance de son compte
courant d'associé. Les juges du fond ont constaté que chacun des époux disposait d'un
compte courant dans la SCI et d'un compte courant commun et ont relevé que les
apports du compte joint vers la SCI et les travaux payés par le compte joint devaient être
considérés comme des versements effectués sur le compte courant d'associé commun
aux deux époux ; en outre, les juges ont fait entrer dans le compte courant des époux un
virement de 200 000 francs effectué par M. X au profit de Mme Y, qui avait été placé pour
garantir le prêt bancaire accordé à la SCI pour l'achat du bien immobilier. Le pourvoi est
rejeté : « la cour d'appel distinguant les apports en numéraire des prêts en compte
courant a pu retenir qu'il revenait à M. X..., le solde de son compte courant, la moitié du
solde du compte courant commun, la moitié du montant des travaux et des dépenses
payés par le compte joint et la somme de 100 000 francs ».

Dans un régime séparatiste, les mécanismes de contribution aux charges du mariage, qui
sont destinés à introduire un esprit communautaire dans les rapports entre époux, ne
peuvent s'appliquer pour les avances ou prêts effectués par un époux à la SCI. Ainsi, les
apports en compte courant effectués par le mari dans la SCI constituée à parts égales
entre les époux ne peuvent être qualifiés de contribution aux charges du mariage : ces
apports et avances consentis par le mari intéressent exclusivement les relations de celuici avec la société à l'égard de laquelle il fait valoir sa créance14.

(12) C. civ., art. 1421.
(13) Cass. 3e civ., 16 avr. 2013, nº 12-14634, Banque et droit, mai 2013, note M. STORCK : en l'espèce, alors que la
cession des parts avait été faite pour un prix de 5 900 francs payé par l'épouse, c'est une somme de plus de
80 000 euros que la SCI est condamnée à verser au cédant dix ans plus tard.
(14) CA Paris, pôle 3, ch. 2, 24 mai 2016, nº 14/08780, JurisData nº 2016-010261 ; CA Toulouse, 1re ch., sect. 1,
23 mai 2016, nº 298, 15/00501, JurisData nº 2016-013971, JCP N, note M. STORCK.

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