Les Intégrales - Les sociétés civiles immobilières - 11e - 363

Chapitre 2 - Les causes de la dissolution
1001 Mésentente : disparition de l'affectio societatis. - Les tribunaux vont donc vérifier que
la mésentente entraîne la paralysie du fonctionnement ou de l'activité économique de la
société34. Cette cause de dissolution judiciaire de la société correspond à une disparition
de l'affectio societatis en cours de vie sociale, étant entendu que la perte de l'affectio
societatis doit conduire à une paralysie.
1002 Notion de justes motifs et statuts. - Est-il possible de retenir, dans les statuts, une
définition du juste motif de dissolution, qui lierait le juge ? Une réponse négative
s'impose. En effet, admettre que le juge soit lié par une notion statutaire du juste motif
reviendrait à priver de son intérêt le mécanisme de l'article 1844-7, 5o du Code civil :
celui de permettre une certaine souplesse en évitant que les associés ne soient prisonniers d'une situation particulièrement difficile à gérer. En d'autres termes, la dissolution
judiciaire intervient comme « une soupape de sécurité », de sorte qu'il paraît impossible
de la « rigidifier » par une disposition statutaire contenant une définition du juste motif.
1003 Hypothèse d'un juste motif : exemples. - L'on précisera tout d'abord que la charge de
la preuve de l'existence d'un juste motif de dissolution repose sur l'associé demandeur.
Ensuite, la jurisprudence est abondante, ce d'autant plus que la Cour de cassation
contrôle la notion de justes motifs35. Ainsi trouve-t-on de nombreuses illustrations de ce
que peuvent être des situations de crise entraînant un blocage du fonctionnement d'une
SCI et conduisant donc à une dissolution :

- dans une SCI composée de deux associés, le fait que l'un des deux associés, très
largement majoritaire, administre la société comme une entreprise qui lui serait strictement personnelle, sans respecter les règles relatives aux assemblées et à l'information des associés, traduit une mésentente paralysant le fonctionnement de la société,
entraînant le prononcé de sa dissolution36 ;
- il en est de même dans une SCI dont les deux associés ne communiquaient qu'au
travers des procédures judiciaires initiées par l'un ou l'autre et utilisaient la société
soit pour en tirer un profit personnel, soit pour causer du tort à l'autre ou tenter de le
mettre en difficulté, ce dont il résultait qu'il n'existait plus, depuis plusieurs années,
d'affectio societatis37 ;
- la dissolution est encourue en cas de mésentente ancienne entre associés d'une SCI,
propriétaires d'une maison, incapables de s'entendre sur la répartition des périodes
d'occupation et sur l'entretien de la maison, les associés minoritaires votant systématiquement contre les résolutions d'assemblée présentées depuis quatre ans, à l'exception d'une nouvelle répartition des charges et dépenses, et refusant le rachat de leurs
parts sociales ou celui des parts de l'associé majoritaire38 ;
- caractérise la paralysie du fonctionnement d'une SCI composée de deux époux, la
mésentente existant entre les associés ayant pour conséquences que les décisions
sociales exigeant l'unanimité ou bien n'étaient pas prises ou bien l'étaient en violation
des statuts ; cette dissolution pour justes motifs n'exclut pas l'abus de minorité : même
après avoir prononcé la dissolution de la SCI pour justes motifs, les juges peuvent être
conduits à rechercher si l'opposition d'un associé ne procédait pas de la volonté de faire
prévaloir ses intérêts personnels sur les intérêts essentiels de la société39.
(34) P. CANIN, « La mésentente entre associés, cause de dissolution judiciaire anticipée des sociétés », Dr. sociétés 1998,
p. 4 ; H. MATSOPOULOU, « La dissolution pour mésentente entre associés », Rev. sociétés 1998, p. 21.
(35) V. contra Memento Sociétés civiles, nº 24168, lequel considère que les juges du fonds disposent d'un pouvoir
souverain d'appréciation. Il n'en demeure pas moins que la jurisprudence de la Cour de cassation exerce, à l'aune
des décisions précitées, un contrôle sur la motivation.
(36) CA Versailles, 18 mai 1995, BJS 1995, p. 869, note J.-J. DAIGRE.
(37) CA Paris, 8 déc. 2000, BJS 2001, p. 302, note A. COURET ; RJDA 2001, nº 452.
(38) Cass. 3e civ., 8 sept. 2010, nº 09-15585, RJDA 12/10, nº 1157.
(39) Cass. com., 10 mai 2011, nº 10-16323 ; Dr. sociétés 2011, comm. 148, note R. MORTIER ; Rev. sociétés 2011. 566,
note B. SAINTOURENS ; Dr. sociétés 2011, nº 148, note R. MORTIER ; RJDA 2011, nº 629 ; BJS 2011, p. 874, note
F.-X. LUCAS.

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