Bibliothèque de finances publiques et fiscalité - Tome 67 - La coopération entre États dans la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales internationales - 148

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LA COOPÉRATION ENTRE ÉTATS DANS LA LUTTE
CONTRE LA FRAUDE ET L'ÉVASION FISCALES INTERNATIONALES

application de sa législation interne (A) ou s'il estime qu'il ne peut obtenir cette
information en raison de sa propre pratique administrative (B).
A. LA CONTRARIÉTÉ DE LA DEMANDE AVEC LA LÉGISLATION
INTERNE DE L'ÉTAT REQUIS
317. Un engagement d'échange partiellement potestatif. L'expression de la
limitation équivaut, dans ce cas de figure, à exposer la situation suivante : un État
s'étant, par hypothèse, engagé à transmettre des informations fiscales à un autre
État ne le fera que si sa propre loi interne le lui permet. Autrement dit, et pour
reprendre une notion empruntée au droit civil1, un tel engagement comporte un
caractère partiellement potestatif en ce qu'il conditionne l'étendue de l'assistance,
non pas à un évènement futur et incertain, mais à l'état d'une législation et d'une
pratique dont il est, par définition, le seul à maîtriser le contenu passé comme
futur. On retrouve donc, au travers de cette clause de législation, un fort caractère
de « nationalisme fiscal ».
318. Le fondement de la limite : l'indépendance fiscale nationale. Cette limite,
très peu discutée dans les commentaires quels qu'ils soient (commentaires des
conventions comme doctrine des auteurs), n'est d'ailleurs que très rarement justifiée, sauf à préciser qu'« il serait effectivement singulier qu'un État obtienne pour
un autre des renseignements qu'il ne pourrait obtenir pour lui-même »2. En réalité, la justification ultime d'une telle règle ne semble pouvoir être trouvée que
dans la volonté de chaque État de préserver son indépendance en matière fiscale.
S'agissant des paradis fiscaux, cette volonté ne saurait faire de doute puisque c'est
précisément elle qui leur permet d'édicter des règles juridiques ou fiscales très endeçà des standards internationaux, favorisant ainsi, de jure comme de facto, le
développement de la fraude ou de l'évasion fiscales internationales par le moyen
de la concurrence fiscale.
319. Illustrations : États-Unis et Suisse. À titre d'exemple, si les États-Unis ont
bien conclu une convention fiscale avec la France prévoyant un échange de renseignements conforme au modèle OCDE, ce pays avait autorisé sur son sol la création de
sociétés3 dont il ne connaissait pas les actionnaires. De la même manière, la Suisse,
interrogée sur la matérialité de sociétés enregistrées sur son territoire (bureaux,
nombre de salariés, éléments d'actif, etc.), ne formulait, le plus souvent, pas de réponse
sur les points soulevés et répondait uniquement que la société était bien enregistrée en
Suisse sous un certain numéro et avait déclaré exercer telle activité4.
1. Au terme de l'article 1304-2 du Code civil, tel qu'issu de l'ordonnance n° 2016-131 du
10 février 2016, « est nulle l'obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la
seule volonté du débiteur. Cette nullité ne peut être invoquée lorsque l'obligation a été exécutée en
connaissance de cause ».
2. J. N. THOMAS, « Le contrôle fiscal des opérations internationales », op. cit., n° 240, § 647.
3. Il s'agit ici des sociétés dénommées « Foreign-owned domestic disregarded entities » (ou sociétés
détenues à l'étranger sans activité aux États-Unis), sociétés en règle générale constituées sous la forme de
structures à responsabilité limitée (« Limited Liability Corporation »). À ce jour, cette législation semble
vouloir être remise en cause par l'administration fiscale américaine mais cette mesure devra recevoir
l'approbation du législateur national. Sur ce point, V. Department of the Treasury - Internal Revenue
Service - 26 CFR Parts 1 and 301 - RIN 1545-BM94, « Treatment of Certain Domestic Entities
Disregarded as Separate From Their Owners as Corporations for Purposes of Section 6038A », Federal
Register / Vol. 81, No. 239 / Tuesday, December 13, 2016 / Rules and Regulations, p. 89849.
4. Comme le soulignait encore le Président de la Commission des Finances du Sénat en 2013,
« la Suisse répond peu, tard et mal. On peut se demander si une seule réponse de la Confédération a

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