Bibliothèque de droit privé - Tome 590 - La religion du contractant - 216

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LA RELIGION DU CONTRACTANT

que l'on sait depuis Tocqueville combien parmi les peuples démocratiques, les
Français lui sont attachés, au risque de lui sacrifier parfois, selon cet infatigable
observateur des passions modernes, les deux autres valeurs fondatrices2 ». Il
n'empêche qu'il sert fréquemment de renfort ou de complément aux autres
droits fondamentaux3.
La révérence aux pratiques religieuses aurait donc pour fondements l'égalité,
plus précisément l'égalité substantielle (§ 1) et la liberté de religion (§ 2).

§ 1. UNE RÉVÉRENCE AU NOM DE L'ÉGALITÉ SUBSTANTIELLE
323. À la redécouverte du principe d'égalité et du droit à la non-discrimination : d'une approche formelle à une approche matérielle. Le principe d'égalité, de
toutes parts mentionné, est souvent désigné comme un principe cardinal qui
conditionne l'existence des autres droits fondamentaux4. Il « est nécessairement la
fin de tout système de législation car la liberté ne peut subsister que sans [lui]5 ».
Ainsi, Hauriou soulignait, en son temps, l'étroite corrélation entre l'abolition des
privilèges, à l'ère révolutionnaire, et l'émergence des droits et libertés6.
Le rôle essentiel joué par le principe d'égalité, en particulier dans l'émergence
de la liberté de religion, au lendemain de la Révolution de 1789, a d'ailleurs été
précédemment souligné7. L'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme ne
faisait en réalité que consacrer la liberté de religions minoritaires, le culte catholique étant, pour sa part, grâce aux rapports qu'il entretenait avec le pouvoir étatique, fortement considéré.
Le principe d'égalité figure donc parmi les plus anciens. Il est évoqué dès l'Antiquité. Aristote, dans son Éthique à Nicomaque, affirmait ainsi qu'il présentait
deux facettes, l'une formelle, l'autre substantielle : garantir l'égalité, c'est « traiter
semblablement les choses qui sont semblables, mais aussi (...) traiter des choses dissemblables de manière dissemblable en proportion de leur dissemblance8 ».
324. Manifestations du principe d'égalité en droit des contrats. Il pourrait
paraître surprenant, alors que le contrat repose sur l'autonomie des volontés, de
tenter de le parer des vertus de l'égalité9. L'égalité irrigue pourtant, sous ses deux
2. P. Bouretz, « Sur la philosophie politique de l'égalité », in Conseil d'État, Rapport public
annuel pour 2004. Un siècle de laïcité, Doc. fr., coll. EDCE, n° 55, 2004, p. 477.
3. F. Mélin-Soucramanien, Le principe d'égalité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel,
préf. G. Vedel, Economica-PUAM, coll. Droit public positif, 1997, p. 300, n° 694.
4. N. Belloubet-Frier, « Le principe d'égalité », AJDA 1998, p. 152. Conseil d'État, Rapport
public annuel pour 1996. Sur le principe d'égalité, Doc. fr., coll. EDCE, n° 48, 1997, p. 21. L. Favoreu
et a., Droit des libertés fondamentales, 7e éd., Dalloz, coll. Précis, 2015, p. 431, n° 480, qui vont jusqu'à
affirmer que « la reconnaissance de l'égalité conditionne l'existence même de la démocratie et, in fine, de
la vie des hommes en société organisée ». F.  Mélin-Soucramanien, Le principe d'égalité dans la
jurisprudence du Conseil constitutionnel, op. cit., p. 300, n° 695.
5. L. Favoreu et a., Droit des libertés fondamentales, 7e éd., Dalloz, coll. Précis, 2015, p. 433,
n° 482.
6. M. Hauriou, Précis de droit administratif et de droit public à l'usage des étudiants en licence
(2e et 3e années) et en doctorat ès sciences politiques, 4e éd., L. Larose, 1900-1901, p. 61.
7. V. supra, n° 26.
8. Aristote, Éthique à Nicomaque, Flammarion, 1992, V, III, spéc. p. 142.
9. N. Van Leuven, « Contrat et discrimination en Belgique », RDC 2010, p. 1471 : « le principe
d'égalité ne vaut d'après eux que dans la seule relation entre l'individu et l'État, cela parce que l'État a
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