Bibliothèque de droit privé - Tome 590 - La religion du contractant - 302

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LA RELIGION DU CONTRACTANT

remédier à la violation du droit à la vie découlant de l'article 2 de la Convention39.
Un arrêt Codarcea contre Roumanie du 2 juin 200940 est, certes, parfois présenté
comme illustrant l'intérêt manifesté par les juges de Strasbourg pour la responsabilité objective. Sa portée est pourtant plus ambiguë qu'il n'y paraît. Constatant
que le médecin qui avait été condamné à lui verser des dommages et intérêts avait
organisé son insolvabilité, un justiciable roumain avait tenté d'engager la responsabilité de l'hôpital au sein duquel il exerçait sa science. Sa demande fut rejetée au
motif qu'en l'absence de lien de préposition, ce dernier ne pouvait être responsable du fait d'autrui. La Cour européenne des droits de l'Homme vit là une violation de l'article 8 de la Convention :
« La Cour observe (...) que les juridictions nationales ont refusé d'engager
la responsabilité de l'hôpital en tant que partie civilement responsable, au motif
qu'elle ne serait pas couverte par l'article 1000, paragraphe 3 du Code civil régissant la responsabilité du commettant pour les actes de son préposé. Elles ont ainsi
privé la requérante d'une protection juridique efficace de son intégrité physique.
Or, la Cour note à cet égard qu'une grande partie de la jurisprudence des plus
hautes juridictions du pays et de la doctrine se montraient favorables à l'application de la responsabilité pour le fait d'autrui dans le cas des hôpitaux, pour les faits
commis par les médecins qu'ils embauchaient41 (...). Dans ces conditions, la Cour
ne peut que constater que la requérante, à qui un droit à être indemnisée avait été
reconnu par les juridictions roumaines, n'avait à sa disposition aucun moyen légal
permettant de rendre effective la réparation42 ».

La Cour regretta ouvertement l'inexistence d'une responsabilité du fait d'autrui, sans autre précision. Qui dit responsabilité du fait d'autrui ne dit cependant
pas nécessairement responsabilité sans faute43. Or, la décision reste silencieuse
pour ce qui a trait au caractère objectif ou subjectif du régime d'indemnisation.
Partant de là, il semble difficile d'affirmer que la « variabilité des effets des droits
fondamentaux des victimes de dommages dans la jurisprudence de la Cour de cassation fait écho à celle précédemment constatée dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme44 ».
En définitive, les justifications à la responsabilité pour faute ne manquent
pas. En droit positif, le fondement de la responsabilité civile est pourtant aussi
confus que sa fonction. Une fois admise la nécessité de la reconnaissance du
caractère subjectif de la responsabilité découlant de la violation d'un droit fondamental, il faut encore s'interroger sur ses finalités.

§ 2. LA FONCTION DE LA PROTECTION
445. Vers une remise en ordre. La responsabilité se voit aujourd'hui attribuer
plusieurs fonctions. À côté des finalités répressive et curative, une vertu préventive
lui est même parfois reconnue. Elle permet, dans ce cas, d'empêcher qu'un
39. CEDH, gr. ch., 24 octobre 2002, Mastromatteo c/ Italie, req. n° 37703/97, § 95.
40. CEDH, 2 juin 2009, Codarcea c/ Roumanie, req. n° 31675/04.
41. Ibid., § 108.
42. Ibid., § 109.
43. Ainsi, par exemple, en droit français, la moitié des prétendus cas de responsabilité du fait
d'autrui n'en aurait que le nom. V. J. Mouly, « Peut-il exister une véritable responsabilité civile du fait
d'autrui ? », Resp. civ. et assur. 2008, n° 9, septembre 2008, étude 10.
44. B. Girard, Responsabilité extracontractuelle et droits fondamentaux, op. cit., p. 165, n° 153.

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