Bibliothèque de droit privé - Tome 590 - La religion du contractant - 304

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LA RELIGION DU CONTRACTANT

indifférente au succès d'une action, ce qui est le cas lorsqu'elle tend à la cessation de
l'illicite ou à l'exécution forcée d'un contrat, une autre est de dire qu'une action en
réparation ne peut être rejetée quand bien même le demandeur ne rapporte pas la
preuve d'un dommage, celui-ci étant induit de la faute. Dans le second cas, le succès
de l'action en réparation demeure conditionné à l'existence d'un dommage mais
celle-ci se trouve déduite de la faute49 ».
448. Dédoublement fonctionnel de l'action en responsabilité découlant de la
violation d'un droit fondamental. En réalité, le droit positif fait siennes deux
conceptions50 de la responsabilité en présence de la violation d'un droit fondamental. Il établit, pour ce faire, une distinction entre le dommage, « siège de la
lésion subie » et le préjudice, qui en est la « conséquence subjective51 ». Les juridictions admettent parfois, par voie de déduction, que de la faute commise résulte
l'existence d'un dommage et que l'étendue du préjudice reste en général à démontrer. Ce faisant, elles confèrent à la responsabilité civile une fonction indemnitaire.
À l'inverse, il est des hypothèses dans lesquelles la gravité des faits leur semblerait
telle qu'elles reconnaîtraient systématiquement le préjudice de la victime du comportement illicite sans faire peser sur elle une exigence probatoire. La justification
de la dispense tiendrait au fait qu'en ce cas, la responsabilité civile a davantage
une fonction punitive que réparatrice52.
449. Admission du dommage sans reconnaissance du préjudice. Illustration à
partir du droit au respect de la vie privée. Il convient, pour illustrer ce dédoublement fonctionnel, de s'intéresser tout d'abord aux droits de la personnalité. Afin
de préciser les conditions de l'action en responsabilité découlant de l'article 9 du
Code civil, la Cour de cassation a systématiquement jugé, à compter de la fin des
années 1990, que « la seule constatation de l'atteinte à la vie privée ouvre droit à
réparation53 ». « L'atteinte à un droit de la personnalité, en tant qu'elle constitue, en
elle-même, la lésion d'un intérêt protégé, [serait] un dommage54 ». La constatation
de cette seule lésion est toutefois impropre à garantir le succès de l'action en réparation. Encore faut-il, selon certains arrêts, caractériser un préjudice. C'est ce
dont témoigne un arrêt rendu en 2016. Arguant de l'illicéité des clauses de mobilité professionnelle et de mobilité géographique insérées dans son contrat de travail, un salarié en avait requis l'annulation et sollicité une indemnisation. Débouté
de sa demande de dommages et intérêts, il forma un pourvoi au moyen qu'« une
clause de mobilité géographique ou professionnelle illicite en raison de sa généralité
et de son étendue cause nécessairement un préjudice au salarié en ce qu'elle le maintient dans une situation d'insécurité juridique inhérente à l'impossibilité pour lui de
connaître ses éventuels lieux d'affectation et porte ainsi atteinte à son droit au
49. L. Gratton, « Le dommage déduit de la faute », art. préc.
50. Pour une autre approche, v. C. Quézel-Ambrunaz, « La contraction des conditions de la
responsabilité civile en cas d'atteinte à un droit fondamental », chron. préc. : « Le lien avec la théorie
de la garantie semble évident : la réparation se justifie uniquement par la violation du droit, la recherche
de la cause de la violation ne sert qu'à désigner la personne du responsable ».
51. L. Gratton, « Le dommage déduit de la faute », art. préc.
52. M. Gomy et Y. Serra, « Le préjudice lié à la stipulation d'une clause de non-concurrence
post-contractuelle nulle », RLC 2012, p. 33. S. Carval, La responsabilité civile dans sa fonction de peine
privée, préf. G. Viney, LGDJ, coll. Bibl. dr. privé, T. 250, p. 287, n° 256.
53. Cass. 1re civ., 5 novembre 1996, préc.
54. H. Pélissier-Gateau et C. Guillemain, J.-Cl. Civil Code, Droit à réparation. - Responsabilité
fondée sur la faute. - Atteintes aux droits de la personnalité. - Causes de justification. Sanctions,
Fasc. 133-30, 2015, n° 267 et s.
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