Bibliothèque de droit privé - Tome 590 - La religion du contractant - 51

INTRODUCTION

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propre. Ses règles ne trouvent à s'appliquer sur le territoire des États que dans la
mesure où ces derniers font preuve d'une bienveillante neutralité à l'égard des religions. C'est oublier, cependant, qu'« il serait artificiel de déduire la juridicité de cet
ordre juridique unique et universel de la tolérance observée à son égard19 ». L'important
n'est pas moins de savoir si un ordre juridique étatique sanctionne la violation de la
règle religieuse que de savoir si l'Église catholique s'est dotée des moyens de remédier
à la violation des normes qu'elle a édictées.
Or, premièrement, le droit canonique a pu se développer grâce à l'existence d'une
forte organisation hiérarchique. Deuxièmement, il paraît difficile de faire abstraction
de la sanction particulièrement grave que constitue par exemple l'excommunication,
qui empêche la participation aux activités communes20. Même les dogmes ou préceptes de la foi catholique, définis par le Magistère, sont sanctionnés à travers plusieurs dispositions du Code de droit canonique21. Le canon 212 dispose ainsi, en son
premier paragraphe, que « les fidèles conscients de leur propre responsabilité sont tenus
d'adhérer par obéissance chrétienne à ce que les Pasteurs sacrés, comme représentants
du Christ, déclarent en tant que maîtres de la foi ou décident en tant que chefs de
l'Église ». De même, selon le canon 748, « tous les hommes sont tenus de chercher la
vérité en ce qui concerne Dieu et son Église, et lorsqu'ils l'ont connue, ils sont tenus, en
vertu de la loi divine, par l'obligation d'y adhérer et de la garder, et ils en ont le droit ».
Le canon 1364 autorise quant à lui l'excommunication de l'apostat, de l'hérétique ou
du schismatique22. L'Église  catholique ne se limite donc pas à faire peser sur ses
membres la menace d'une sanction dans l'au-delà, ni même à espérer que ses brebis
égarées soient, en leur for intérieur, prises de remords23. Elle s'est par ailleurs dotée de
juridictions (tribunaux locaux, tribunaux de l'Église universelle, juridictions spéciales)
ayant vocation à faire respecter le droit canonique, dont l'existence est actée par les
canons 1417 à 1445 du Code de droit canonique de 1983. Leur agencement n'est pas
sans rappeler l'organisation juridique au sein des ordres juridiques étatiques24.
44. Application de la définition aux ordres religieux. L'exemple du droit islamique. Tout comme l'Église catholique, la religion musulmane est à la base d'un
ordre juridique spécifique. Selon un auteur, « la Chari'a est une somme de valeurs
et de normes qui conditionnent la conduite et le comportement du croyant et commandent l'ordre socio-juridique de la communauté, comme peut l'être, par exemple,
dans une démocratie occidentale, le préambule d'une constitution25 ». Le droit
19. F. Rigaux, « Le pluralisme juridique », Rec. cours La Haye, 1989, vol. 213, p. 64, n° 37.
20. G. Cornu, Vocabulaire juridique, op. cit., v° Droit canonique.
21. D. Le Tourneau, Manuel de droit canonique, op. cit., p. 274, n° 318 et s.
22. Can. 194§ 1 : « Est révoqué de plein droit de tout office ecclésiastique : 1 celui qui a perdu l'état
clérical ; 2 la personne qui a publiquement abandonné la foi catholique ou la communion de l'Église ; 3 le
clerc qui a attenté un mariage même civil ». Cependant, il semble qu'il faille distinguer le délit du simple
péché. V. D. Le Tourneau, Manuel de droit canonique, op. cit., p. 472, n° 504. Pour une définition du
délit en droit canonique, v. ibid., p. 452, n° 481 : « nous trouvons au canon 1321 tous les éléments d'une
définition : a) l'élément objectif d'une violation externe de la loi ; b) l'élément subjectif de l'imputabilité
grave par suite du dol ou d'une violation délibérée ; c) l'élément juridique, à savoir la loi ou le précepte
qui impose une peine ».
23. Pour une étude détaillée, v. A. Sériaux, Droit canonique, op. cit., n° 274 et s.
24. Pour une étude détaillée, v.  D. Le Tourneau, Manuel de droit canonique, op.  cit., p.  483,
n° 512 et s. A. Sériaux, Droit canonique, op. cit., p. 751, n° 304 et s. Le droit canonique a d'ailleurs été
une grande source d'inspiration, par le passé, sur le terrain de la procédure civile. À ce sujet,
v. P. Deumier, Introduction au droit, 4e éd., LGDJ, coll. Manuel, 2017, p. 150, n° 168.
25. S.  Jahel, « Chari'a et contrats internationaux », in Université Panthéon-Assas (Paris II),
Clés pour le siècle, Dalloz, 2000, p. 289.
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