Bibliothèque de droit privé - Tome 590 - La religion du contractant - 88

LA RELIGION DU CONTRACTANT

les plus vagues du système juridique français. Cette dernière ayant, pendant longtemps, donné lieu à peu de controverse, il a sans doute paru peu utile de s'affairer
à en déterminer précisément les composantes. C'était sans compter sur l'évolution de la société française et la diversification des phénomènes religieux58.
Confrontés à de tels changements, le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel
ont rendu, au cours des dernières années, de multiples décisions permettant de
mieux appréhender la laïcité.
L'œuvre prétorienne a initialement mis en lumière des divergences importantes entre les principes constitutionnel et légal de laïcité. Ainsi que le soulignait
Monsieur Geffray, dans ses conclusions sur quatre affaires jugées en 2011, la
notion légale « est à la fois plus restreinte et plus précise : plus restreinte, parce
qu'elle porte essentiellement sur les principes de non-reconnaissance et de non-subventionnement, le principe de liberté - désormais constitutionnellement garanti -
n'étant, en quelque sorte, que la clé de lecture du dispositif. Mais aussi plus précise,
parce qu'elle confère au principe de neutralité de l'État une portée spécifique par
l'interdiction de subvention aux cultes59 ». Tout contrat assimilable à une aide
financière doit être prohibé.
Deux ans plus tard, le principe de non-subventionnement a intégré la définition constitutionnelle de laïcité60. Toutefois, celle-ci n'interdit pas qu'une aide soit
apportée aux cultes, pourvu que puisse leur être garanti un traitement égal61. Il y
va de la protection de la liberté de religion.
C'est ainsi que se sont développées certaines pratiques contractuelles destinées à garantir la liberté de culte, par le biais de financements indirects.
Traditionnellement exclus (a) les contrats de financement des cultes sont
donc désormais admis (b).
a) Une incorporation traditionnellement exclue
107. Assimilation des contrats dépourvus de contrepartie réelle à des subventions illégales. L'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 dispose que « la République
ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du
1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes ». Cette disposition ne s'oppose pas, dans l'absolu, à la conclusion
de contrats avec tout groupement religieux en vue de la mise à disposition de
locaux. Cependant, toute convention dépourvue de contrepartie ou conclue pour
un loyer modique est constitutive d'une subvention qui ne dit pas son nom. Le
58. Ibid.
59. E. Geffray, « Loi de 1905 et aides des collectivités publiques aux cultes », RFDA 2011,
p. 967.
60. Cons. const., 21 février 2013, Traitement des pasteurs des églises consistoriales,
décision n° 2012-297 QPC.
61. C.E., 16 mars 2005, Ministre de l'Outre-mer c/ Gouvernement de la Polynésie française : Lebon
2005, p. 168 ; AJDA 2005, p. 964 ; ibid., p. 1463, note Durand-Prinborgne (C.). Le Conseil d'État a
admis l'octroi de subventions aux cultes dans les territoires où la loi du 9 décembre 1905 ne s'applique
pas. Cons. const., 22 octobre 2009, décision n° 2009-591-DC, Loi tendant à garantir la parité de
financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d'association : RFDA 2010,
p. 769, étude Auvray (M.). Il était question d'une loi relative au financement des écoles élémentaires
publiques et privées sous contrat d'association. E. Geffray, « Loi de 1905 et aides des collectivités
publiques aux cultes », concl. préc.

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