Bibliothèque de droit privé - Tome 590 - La religion du contractant - 96

78

LA RELIGION DU CONTRACTANT

du culte dont la propriété leur est reconnue ». Ce faisant, « devenus propriétaires des
églises construites avant  1905, l'État et les communes, selon le cas, sont (...) en
charge de l'entretien et de la réparation de la plupart des édifices catholiques, tandis
que la communauté musulmane, qui compte désormais 5  millions de membres en
France, "n'a reçu aucun patrimoine en héritage puisqu'elle est nouvelle sur le territoire et plus pauvre, n'a pas les moyens de s'exprimer au même rang que les autres
grandes religions" »106. La loi de 1905 permet certes, également, de subventionner
les associations cultuelles pour les dépenses de réparation des édifices du culte107.
Cependant, les conditions d'obtention de cette appellation sont restrictives.
Le droit positif français révèle alors un important paradoxe. « Devant la
liberté, tous les cultes sont, certes, sur un plan d'égalité. Mais certains sont tout de
même plus égaux que d'autres car ils bénéficient de tous les avantages de la loi108 ».
Le culte catholique, « le premier, à tous les sens du terme d'ailleurs, bénéficie, patrimonialement, d'un traitement incontestablement favorable dans un système censé
être un système de séparation, non seulement en soi, mais encore en regard du traitement fait aux autres cultes109 ». D'autres, pourtant fortement représentés, ont
émergé en France après l'entrée en vigueur de la loi de 1905, et subissent, pour
cette seule raison, le contrecoup du principe de séparation des Églises et de l'État110.
Peut-être faudrait-il reconsidérer la proposition du professeur Yves
Gaudemet de reconnaître un nouveau critère de la domanialité publique, l'« affectation à l'exercice d'une liberté publique111 », permettant de pérenniser l'affectation
cultuelle d'un bien qui ne serait ni affecté à l'usage direct du public (seuls les pratiquants du culte étant concernés) ni utile à un service public (le service public du
culte n'existant plus depuis 1905)112. Le rapport Machelon suggérait également
d'assortir le bail emphytéotique administratif cultuel d'une option d'achat.  La
question se pose cependant de savoir si un tel montage n'aurait pas pour effet de
remettre en cause la légalité du contrat, compte tenu de l'importance de l'acquisition finale de la propriété des constructions par la collectivité. Dépourvu d'une
telle contrepartie, le bail emphytéotique cultuel ne serait-il pas de nouveau assimilable à une aide prohibée ? L'éventualité d'un traitement moins inégalitaire des
cultes doit en tout cas être envisagée.
123. Conclusion de la section I. Le droit français ne s'oppose pas, dans l'absolu, à la contractualisation des convictions religieuses. Premièrement, rien ne
justifierait que cette chose soit reléguée hors du commerce juridique ou que l'obligation dont elle fait l'objet soit considérée comme impossible, sauf à ce qu'elle
trouble l'ordre public établi par la loi. Or, bien souvent, la contractualisation
106. A. Bougnoux, J.-Cl.  Civil Annexes, Associations - Associations soumises à un régime
spécial - Associations cultuelles. Associations diocésaines, Fasc. 40, 2015, n° 20. L. Delsenne, « De la
difficile adaptation du principe républicain de laïcité à l'évolution socio-culturelle française »,
RDP 2005, p. 427. J. Volff, « Régimes des cultes et laïcité », Gaz. Pal. 2001, n° 186, p. 2.
107. L. 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État., art. 19.
108. J. Robert, « La liberté de pensée, de religion et de croyance », art. préc.
109. T. Revet, « Rapport de synthèse », art. préc.
110. S. Hennette-Vauchez, « Séparation, garantie, neutralité... les multiples grammaires de la
laïcité », NCCC 2016, n° 53, p. 9. T. Revet, « Rapport de synthèse », art. préc. J. Robert et J. Duffar,
Droits de l'homme et libertés fondamentales, op. cit., p. 645, n° 605.
111. Y. Gaudemet, « Libertés publiques et domaine public », in Mélanges en l'honneur du
professeur Jacques Robert, Montchrestien, 1998, p. 125.
112. F.  Dieu, « Le bail emphytéotique administratif : un outil de financement des nouveaux
édifices cultuels », art. préc.
Bibliothèque de droit privé - Tome 590 - La religion du contractant

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit privé - Tome 590 - La religion du contractant
