Bibliothèque de droit social - Tome 75 - Le système de retraite à l'épreuve de son financement - 31

INTRODUCTION

1901, un projet de loi visant à mettre en place un dispositif d'assurance « vieillesse » généralisée. À l'époque, le projet - défendu par son rapporteur, Paul
Guieysse, ainsi que par des personnalités telles qu'Alexandre Millerand, alors
ministre du Commerce - était très loin de faire consensus. Les désaccords portaient principalement sur le caractère obligatoire de l'assurance. Partisans et
opposants de l'obligation se targuaient d'avoir le soutien de la population. Qu'en
était-il réellement ? Que pensaient les travailleurs du fait de mettre en place un
système d'assurance « vieillesse » basé sur le principe de l'obligation ? Pour
répondre à cette question et essayer de faire avancer le débat, le député Hyacinthe
de Gailhard-Bancel proposa de recueillir l'avis des premiers concernés par le projet de loi au travers d'une vaste consultation28. Cette idée fut largement approuvée
par la Chambre des députés29. Une consultation fut donc menée auprès des associations professionnelles patronales, ouvrières, industrielles, commerciales et agricoles. Le résultat de l'enquête indiqua une très nette hostilité vis-à-vis du projet de
loi. Ce dernier fut donc abandonné.
48. L'année suivante, le Bloc des gauches accéda au pouvoir. Il ne prit pas le
risque de présenter un nouveau projet de retraites ouvrières et préféra cibler son
action sur la création d'un système d'assistance obligatoire, laissant du temps aux
partisans d'une assurance « vieillesse » obligatoire pour repenser leur projet.
49. Très peu de temps après l'adoption de la loi d'assistance aux « vieillards », Paul Guieysse défendait un nouveau projet d'assurance « vieillesse »
obligatoire. S'ils ne voulaient faire aucune concession sur le critère de l'obligation, les rédacteurs du projet de loi ont tenu compte des critiques formulées
quatre ans auparavant. Un des reproches qui était alors fait au premier projet de
loi concernait la gestion des fonds car celle-ci était confiée à la Caisse nationale
des retraites ouvrières. Or, à une époque où la mutualité était très développée et
appréciée, il n'apparaissait pas concevable que les sociétés de secours mutuels se
voient retirer la possibilité de gérer les fonds liés à la prise en charge du risque
« vieillesse ». Les mutualistes s'étaient donc farouchement opposés au premier
projet Guieysse. En les intégrant à la gestion des fonds, le second projet tentait
ainsi de recueillir le soutien des partisans de la mutualité. Bien qu'il ait été voté
par les députés, ce second projet de loi n'a pas su convaincre le Sénat. S'inspirant
de ce qui avait été fait en 1901, la Commission sénatoriale des retraites ouvrières
réalisa une enquête de janvier à avril 1907 auprès de toutes les sociétés dont les
membres - patrons et travailleurs - étaient concernés par la mise en place d'un
système de retraite. Cette enquête était très complète. Elle cherchait à déterminer
de manière précise ce que les destinataires de la loi sur les retraites pensaient non
seulement du principe de l'obligation, mais aussi du mode de subvention de
l'État, des systèmes de répartition et de capitalisation ou encore de l'établissement d'une caisse de retraite nationale qui se substituerait aux caisses régionales30. À la fin de l'année 1907, plus de 9 500 réponses étaient parvenues à la
Commission sénatoriale. Une très grande majorité des personnes consultées
28. « Le Gouvernement est invité à consulter les associations professionnelles, patronales et
ouvrières, industrielles, commerciales et agricoles légalement constituées sur le projet de loi relatif aux
retraites ouvrières. » (Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Chambre des
députés, séance du 2 juillet 1901, p. 1754)
29. 300 députés se sont prononcés en faveur de la consultation. 237 ont voté contre (ibidem).
30. Le formulaire est consultable in, JACOB (L.) et VALLETTE (Ch.), Les retraites ouvrières et
la proposition de loi soumise au Sénat, Paris : Pedone, 1908, p. 280.

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