Bibliothèque de droit social - Tome 75 - Le système de retraite à l'épreuve de son financement - 314

298

LE SYSTÈME DE RETRAITE À L'ÉPREUVE DE SON FINANCEMENT

D'autre part, les pouvoirs publics ont été accusés de recourir aux transferts
inter-régimes dans le but d'améliorer la situation financière des régimes pour lesquels ils sont tenus de garantir l'équilibre financier. Les transferts de fonds opérés
permettraient de réduire d'autant le montant des subventions d'équilibre que
l'État est tenu de leur verser66. En transférant des ressources aux régimes dont il a
la charge financière, l'État s'exonèrerait ainsi d'une partie de ses obligations. Si
aucun élément ne permet de lever le doute sur la sincérité et l'opportunité des
transferts profitant à l'État, il existe d'autres critiques qui, elles, remettent clairement en question la pertinence et l'utilité de tous ces dispositifs.
778. Dans le premier rapport qu'elle a remis au Parlement sur la Sécurité sociale,
la Cour des comptes dénombrait en 1995 « pas moins de douze mécanismes de compensations et sept dispositions de transferts qui, obéissant à des règles souvent disparates,
font l'objet de modifications fréquentes et dont la base juridique est parfois incertaine »67.
Au fil du temps, les compensations et autres transferts financiers n'ont cessé de se
multiplier et de se diversifier. Ces changements constants d'affectation des ressources
au sein du système de retraite posent plusieurs problèmes. Ils rendent tout d'abord les
modalités de financement des régimes de retraite extrêmement complexes et difficiles
à appréhender68, de sorte qu'il est désormais impossible pour la majorité des assurés
sociaux de savoir avec certitude et précision comment sont alimentés les régimes chargés de leur reverser une pension de retraite. Ce manque de clarté - qui est déjà critiquable en lui-même - pose également des difficultés d'un point de vue juridique
puisqu'il contribue à effacer le lien qui existe entre les recettes et les dépenses du système de retraite. En effet, le recours croissant à l'impôt et l'hybridation financière qui
en découle sont des phénomènes qui, comme il l'a été rappelé précédemment, contribuent à eux seuls à « brouiller » la logique selon laquelle les cotisations doivent uniquement alimenter l'assurance « vieillesse » et selon laquelle les impôts doivent
uniquement financer les dépenses redistributives. Le fait que les pouvoirs publics
décident en outre de transférer une partie des recettes du système de retraite entre
l'État, les régimes et les organismes qui concourent à leur financement sans se soucier
de la nature juridique des fonds déplacés participe, dans la lignée de la fiscalisation et
de l'hybridation financière, à faire perdre au système de retraite sa cohérence financière. Enfin, les transferts financiers peuvent être critiqués car ils sont difficiles à
mettre en œuvre dans la pratique. La très grande complexité des règles de calcul utilisées pour déterminer non seulement les contributeurs et les bénéficiaires des transferts, mais également pour calculer le montant des sommes transférées, peut être
source de difficultés voire d'erreurs de gestion. La révision périodique des modalités
de transferts accroît d'autant les risques d'erreurs.
66. « Ainsi, l'État qui verse une subvention d'équilibre à un certain nombre de régimes
structurellement déséquilibrés (par exemple, la SNCF) ou en voie d'extinction lente (les mines) a-t-il
été soupçonné d'avoir intérêt à majorer les compensations afin de réduire les montants de ses
subventions. » (Haut Conseil du financement de la protection sociale, Rapport sur la lisibilité des
prélèvements et l'architecture financière des régimes sociaux, juillet 2015, p. 164)
67. Extrait du rapport de la Cour des comptes sur la Sécurité sociale (septembre 1995), repris in
DESCOURS (C.) rapp., Protection sociale (problèmes généraux et équilibres financiers), avis présenté
au nom de la Commission des affaires sociales du Sénat sur le projet de loi de finances pour 1996
adopté par l'Assemblée nationale, déposé le 30 novembre 1995, p. 28.
68. « La croissance de ces transferts a conduit à rendre complexe voire obscur le financement des
régimes ou, à tout le moins, de ceux d'entre eux qui sont les plus concernés par ces mécanismes. »
(Haut Conseil du financement de la protection sociale, Rapport sur la lisibilité des prélèvements et
l'architecture financière des régimes sociaux, juillet 2015, p. 164)
Bibliothèque de droit social - Tome 75 - Le système de retraite à l'épreuve de son financement

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit social - Tome 75 - Le système de retraite à l'épreuve de son financement
