Bibliothèque de droit social - Tome 75 - Le système de retraite à l'épreuve de son financement - 323

L'HYBRIDATION FINANCIèRE ET LA COMPLEXITÉ EN COROLLAIRES DE LA FISCALISATION

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est justifiée dans la mesure où elle permet d'assurer, conformément à l'intérêt
général, une solidarité financière des régimes d'assurance « vieillesse » dans le but
d'atténuer les déséquilibres démographiques entre les régimes88. En 2015, la
légalité du dispositif a de nouveau été contestée, cette fois devant le Conseil
constitutionnel. Il était reproché à l'organisation sous forme de deux étages de la
compensation généralisée vieillesse d'être contraire aux principes d'égalité devant
la loi et devant les charges publiques89. Dans les deux cas, l'existence ainsi que les
modalités de fonctionnement du dispositif ont été reconnues licites.
799. Si les critiques relatives à l'illicéité du dispositif n'ont pas abouti, cela
n'a pas mis fin aux contestations. L'existence de la compensation généralisée vieillesse est en effet régulièrement critiquée en raison de sa philosophie générale. Il lui
est ainsi reproché de constituer un énième dispositif organisant des transferts
financiers au sein du système de retraite. Or, cette multiplication des transferts ne
semble pas souhaitable, et ce pour plusieurs raisons. D'une part, elle fait progressivement perdre au système de retraite sa logique financière. Il devient dès lors
très difficile de retracer les circuits financiers et de connaître la nature juridique
des prélèvements affectés à chacun des régimes. D'autre part, la juxtaposition des
dispositifs va avoir pour conséquence d'amplifier considérablement les effets
- positifs ou négatifs - des transferts de fonds sur les finances des régimes de
retraite. En effet, une partie des régimes de retraite participe non seulement à la
compensation généralisée vieillesse, mais également à d'autres transferts comme
des intégrations financières ou des adossements. Or, les effets cumulés de ces dispositifs améliorent ou dégradent de façon importante leur situation financière.
Autrement dit, la multiplicité des transferts financiers organisés au sein du système de retraite peut pénaliser lourdement une partie des régimes et profiter de
façon presque excessive90 à d'autres.
800. Si la compensation généralisée vieillesse est critiquée du fait de sa
coexistence avec d'autres dispositifs organisant des transferts financiers au sein
du système de retraite, elle l'est également de par les « effets indésirables » qu'elle
engendre. Il est plus exactement reproché à la compensation démographique de
rendre déficitaires certains régimes à l'équilibre ou d'aggraver le déficit dont
souffrent déjà d'autres régimes. Cette situation s'explique par le fait que la compensation généralisée vieillesse n'a pas pour objectif de rétablir l'équilibre financier des régimes. Leur situation financière effective est un paramètre qui n'est
88. CE, 13 février 2004, n° 255297 : « Considérant, en premier lieu, que si la compensation
généralisée vieillesse restreint le libre usage, par les caisses, des ressources provenant des cotisations
des assurés et qui peuvent être regardées comme des biens, au sens des stipulations de l'article 1er du
premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales, c'est pour assurer, conformément à l'intérêt général, une solidarité financière
des régimes d'assurance vieillesse, définie en fonction de critères objectifs, en rapport avec son objet,
afin d'atténuer les déséquilibres démographiques entre les différents régimes et donc de remédier aux
inégalités affectant les prestations de retraite dont bénéficient les différents assurés. »
89. Cf. supra.
90. Les données chiffrées fournies par le Conseil d'orientation des retraites indiquent que les
seuls transferts de compensation démographique représentent 39 % des ressources du régime de base
des salariés agricoles et 38 % des ressources du régime de base des non-salariés agricoles (COR,
Évolutions et perspectives des retraites en France, juin 2018, p. 46). Lorsqu'un régime de retraite perçoit
plus du tiers de ses ressources grâce à la solidarité d'autres régimes de retraite et qu'il n'est plus
capable d'assumer ses engagements, il convient de s'interroger sur la viabilité financière de ce régime
et par extension, sur son avenir. Il devrait notamment être temps de réfléchir aux transformations qu'il
pourrait subir, voire d'envisager sa suppression.

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