Bibliothèque de droit social - Tome 75 - Le système de retraite à l'épreuve de son financement - 365

L'ORGANISATION À L'ÉPREUVE DE L'INSTABILITÉ DE SON FINANCEMENT

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ou maladie »106. Le fort lien que le Conseil constitutionnel établit entre la notion
de cotisation et l'idée de contrepartie explique son choix d'autoriser la mise en
progressivité des cotisations patronales, mais de refuser la mise en progressivité
des cotisations salariales. En effet, les premières n'ouvrent aucun droit aux
employeurs qui s'en acquittent. Elles peuvent donc tout à fait être calculées
selon un barème progressif. En revanche, les secondes constituent la contrepartie des prestations « vieillesse » qui seront ensuite reversées aux assurés sociaux.
Il est donc impossible d'en exonérer une partie des assurés sociaux.
900. Il ne faudrait pas voir dans cette décision une interdiction totale de
mettre en œuvre le motif d'intérêt général invoqué par le gouvernement de
l'époque. Le Conseil constitutionnel n'a pas censuré l'objectif, mais la méthode
mise en œuvre pour atteindre cet objectif. Si les pouvoirs publics décidaient à
nouveau d'augmenter le pouvoir d'achat des assurés sociaux aux revenus
modestes, ils savent désormais qu'ils ne pourront pas utiliser l'outil « cotisation »
car cela aurait pour conséquence de rendre les prélèvements sociaux progressifs et
in fine, de remettre en cause leur nature juridique. Cependant, rien ne semble
empêcher le législateur de recourir à l'outil fiscal afin d'imposer différemment des
contribuables ayant des capacités contributives différentes. Le Conseil constitutionnel n'ayant jamais reconnu aux impôts un caractère strictement proportionnel aux revenus, il paraît tout à fait concevable de diminuer les prélèvements
fiscaux pesant sur les assurés sociaux les plus modestes afin de les aider à retrouver du pouvoir d'achat.
901. La décision rendue par le Conseil constitutionnel laisse toutefois perplexe. Sur le plan des principes, il apparaît cohérent d'empêcher la mise en progressivité de la part salariale des cotisations « vieillesse » de base. En exonérant
une partie des assurés sociaux de cotisations, cela reviendrait à accorder des prestations contributives à des personnes n'ayant fourni aucun effort contributif. Il se
poserait donc un problème de légitimité pour les bénéficiaires de ces droits et
avantages contributifs. D'un autre côté, refuser la mise en progressivité des cotisations salariales paraît tout à fait décalé en sachant que les cotisations présentent
- depuis la création de la Sécurité sociale en 1945 et la mise en place d'un plafond
de cotisations - un caractère non proportionnel. Le juriste a donc un problème de
fond à trancher. Au lieu de maintenir un régime qui hésite entre proportionnalité
et progressivité des prélèvements, peut-être serait-il plus simple de rendre toutes
les cotisations « vieillesse » - du moins les cotisations salariales - proportionnelles. Cela supposerait notamment de supprimer le plafond de cotisation107.
Si le fait de financer des régimes contributifs par le biais de prélèvements
proportionnels aux revenus d'activité répond à une certaine logique, il semble à
l'inverse plus cohérent de financer les dispositifs redistributifs par le biais de prélèvements progressifs. Pourtant, force est de constater que les impôts affectés au
financement de ces dispositifs présentent, pour la très grande majorité d'entre
eux, un caractère proportionnel.
106. MORVAN (P.), Droit de la protection sociale, Paris : LexisNexis, 8e éd., 2017, p. 33.
Dans le même sens, Xavier Prétot interprète la décision du Conseil constitutionnel en indiquant
que, selon les juges constitutionnels, « exonérer ou réduire fortement le montant des cotisations dues
par certains assurés alors qu'ils conservent les mêmes droits, conduit à une rupture d'égalité entre les
ressortissants d'un même régime » (PRETOT (X.), Droit de la sécurité sociale, Paris : Dalloz, 14e éd.,
2015, p. 92).
107. Cf. chapitre suivant.

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