Bibliothèque de droit social - Tome 75 - Le système de retraite à l'épreuve de son financement - 381

LES RÉFORMES À VENIR AU DÉFI D'UNE COHÉRENCE NORMATIVE

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leur vie à travailler et 1/3 de leur vie à la retraite - serait dès lors susceptible
d'évoluer d'un régime à un autre. Il n'y aurait donc pas une seule politique de
prise en charge de la « vieillesse » à l'échelle du pays, mais des politiques qui
seraient distinctes selon le régime concerné. Cette organisation semble conforme
à l'organisation corporatiste du système de retraite et au souhait historique du
législateur de laisser perdurer des régimes aux modalités de fonctionnement distinctes et à la générosité plus ou moins grande. Cela renforcerait par ailleurs la
logique d'équité sur laquelle a été bâti le système de retraite. Selon le type d'emploi exercé et leur régime d'appartenance, les assurés sociaux pourraient librement établir le niveau de leur protection sociale en général, et le niveau de leur
protection « vieillesse » en particulier.
932. Le fait de laisser aux assurés sociaux le choix de la politique sociale qui
leur sera appliquée et d'en déduire, pour les gestionnaires des régimes de retraite
concernés, une organisation financière spécifique n'est possible que dans l'hypothèse où les régimes ont les moyens d'agir à leur guise sur les différents leviers
responsables de l'équilibre financier du régime. Or, certains régimes sont placés
dans une situation économique et/ou démographique telle qu'ils ne peuvent se
permettre d'alléger les prélèvements sociaux appliqués à leurs travailleurs. Ils ne
peuvent pas non plus se permettre d'améliorer la générosité des prestations accordées à leurs retraités. Dans certains cas, même en augmentant considérablement
les prélèvements et en réduisant le niveau des pensions de retraite, une partie des
régimes se verrait incapable d'assumer ses engagements financiers en l'absence du
soutien financier de l'État, d'autres régimes ou organismes de Sécurité sociale.
Ces régimes, qui sont incapables d'être autonomes financièrement, ne peuvent
évidemment pas subsister dans une organisation assurantielle au sein de laquelle
les prestations sont uniquement financées par le biais de cotisations. Ces régimes
dépendants devraient donc nécessairement évoluer.
933. Comme expliqué précédemment15, il existe quatre techniques principales pouvant être mises en œuvre pour réformer les régimes de retraite. La première consiste à aligner progressivement les conditions d'assurance ainsi que les
modalités d'ouverture et de calcul des droits à pension. Dans la pratique, l'alignement consiste généralement à étendre les modalités de fonctionnement de l'assurance « vieillesse » du régime général aux régimes particuliers. Le régime général
comptant parmi les moins généreux, les régimes alignés vont devoir - en le prenant pour modèle - durcir leurs conditions d'assurance et/ou diminuer le montant des prestations servies à leurs retraités. L'alignement des conditions d'assurance est une technique qui force donc les régimes à faire des économies et à
supprimer un certain nombre d'avantages consentis à leurs assurés. Bien qu'elle
soit privilégiée depuis le début des années 2000 par les pouvoirs publics, elle n'est
cependant pas exempte de critiques. D'un point de vue théorique tout d'abord,
l'alignement des régimes a pour conséquence d'amorcer l'unification du système
de retraite. Une fois que tous les régimes auront été alignés, il n'y aura en effet plus
aucune raison matérielle de maintenir une organisation aussi morcelée du système
de retraite. La suite logique serait de mettre en place un régime unique, commun
à l'ensemble des assurés sociaux, et fonctionnant selon des modalités strictement
identiques. Ce mouvement progressif de fusion des régimes de retraite est cependant contraire à l'histoire sociale de la France. Les régimes de retraite ont
15. Cf. Partie 1 - Titre 1 - Chapitre 1.

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