Bibliothèque de droit social - Tome 75 - Le système de retraite à l'épreuve de son financement - 388

372

LE SYSTÈME DE RETRAITE À L'ÉPREUVE DE SON FINANCEMENT

confèrent aux prélèvements sociaux un caractère, soit proportionnel aux revenus, soit
progressif, soit dégressif, force est de constater que, dans la pratique, les cotisations
répondent à ces trois caractéristiques à la fois. Plus exactement, les règles qui sont
appliquées dépendent de la nature - patronale ou salariale - des cotisations ainsi que
du niveau des revenus sur lesquels les prélèvements sont opérés : pour les revenus
compris entre 1 et 2,5 SMIC, les cotisations patronales ont un caractère progressif22.
Entre 2,5 SMIC et le plafond de cotisations, les prélèvements sociaux deviennent
strictement proportionnels aux revenus puisque le taux n'évolue plus. Au-delà du plafond, une partie des cotisations « vieillesse » - les cotisations patronales et salariales
dites « plafonnées » - cesse d'être due, ce qui les rend dégressives.
944. Pour rendre à l'organisation financière du système de retraite une certaine cohérence, il serait sans doute préférable d'appliquer aux cotisations un seul
de ces trois caractères. Les pouvoirs publics pourraient par exemple décider de
rendre les cotisations dégressives. Dans la pratique, cela supposerait d'appliquer
un taux de prélèvement « normal » sur l'intégralité des rémunérations équivalentes au SMIC puis de diminuer progressivement ce taux au fur et à mesure que
le niveau des rémunérations augmente. Dans une telle organisation, il est possible
de maintenir en l'état le plafond de cotisations, c'est-à-dire d'exonérer de cotisations tous les revenus supérieurs à un niveau préalablement défini. Un tel système
ne semble cependant pas souhaitable tant il est injuste. Il revient à légitimer le fait
de demander aux travailleurs les plus modestes de fournir l'essentiel de l'effort
contributif et à favoriser les salariés les plus aisés.
945. Pour clarifier le régime juridique des cotisations, les pouvoirs publics
pourraient alors - à l'inverse - décider de rendre les prélèvements sociaux progressifs. Une telle organisation reviendrait à maintenir les exonérations de cotisations sur
les salaires les plus modestes puis à augmenter le taux des prélèvements au fur et à
mesure que le niveau des rémunérations augmente. Pour que l'organisation soit la
plus cohérente possible, il faudrait dès lors supprimer le plafond de cotisations et
faire payer beaucoup plus les salariés ayant les plus hauts revenus. Cette solution a le
mérite de mettre en place une « solidarité plus authentique »23 dans la mesure où les
travailleurs financeraient le système de retraite en fonction de leurs capacités réelles.
Cependant, elle ne semble pas - tout comme la mise en dégressivité des cotisations
- conforme à l'esprit qui anime l'assurance « vieillesse » ni aux principes qui régissent
la Sécurité sociale. Qu'il s'agisse de rendre les cotisations purement progressives ou
purement dégressives, le problème qui se pose est toujours le même : la nature contributive du système de retraite est altérée. Dans un cas comme dans l'autre, une partie
des assurés sociaux perçoit des avantages pour lesquels elle n'a pas directement
cotisé, ou perçoit des avantages disproportionnés par rapport à l'effort contributif
fourni. Concrètement, en rendant les cotisations dégressives, les salariés aux revenus
22. Depuis la mise en place du « Pacte de responsabilité et de solidarité » en 2014, le taux des
cotisations patronales est nul pour les salariés payés au SMIC. Cette mesure complète la « réduction
Fillon » mise en place par la loi du 12 juin 2003, laquelle prévoit une réduction des cotisations
patronales pour les salariés dont la rémunération est comprise entre 1 et 1,6 SMIC. La logique
d'allègement des cotisations a en outre été étendue à toutes les rémunérations inférieures à 2,5 SMIC
lors de la mise en place en 2012 du CICE (cf. Partie 2 - Titre 1 - Chapitre 1). La combinaison de ces
différents dispositifs rend le niveau des cotisations « vieillesse » patronales nul ou extrêmement faible
pour les salariés dont la rémunération n'excède pas 2,5 SMIC. Au-delà, le taux ordinaire de prélèvement
s'applique, ce qui traduit une progressivité des cotisations patronales.
23. DUPEYROUX (J.-J.), BORGETTO (M.) et LAFORE (R.), Droit de la sécurité sociale,
Paris : Dalloz, 18e éd., 2015, p. 235.

Bibliothèque de droit social - Tome 75 - Le système de retraite à l'épreuve de son financement

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit social - Tome 75 - Le système de retraite à l'épreuve de son financement