Bibliothèque de droit social - Tome 76 - L'évaluation professionnelle des salariés - 212

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L'ÉVALUATION PROFESSIONNELLE DES SALARIÉS

temps où les salariés travaillent. Sous réserve notamment du respect d'une certaine procédure d'information332, l'employeur peut y installer un dispositif de
vidéosurveillance. C'est toutefois dans cette hypothèse que se niche l'essentiel
du contentieux. Le principe même d'une telle faculté est mis en question. Selon
un auteur, un dispositif de vidéosurveillance constitue un « moyen nécessairement disproportionné au but recherché par l'employeur, quel qu'il soit. »333. En
effet, le caractère continu de la surveillance met en exergue les habitudes, les
traits de personnalité et, par conséquent, l'« identité de l'individu »334. Sa mise
en place peut en cela sembler revêtir, quelles qu'en soient les circonstances et les
finalités, « un caractère excessif au regard de la finalité poursuivie » et, par
conséquent, ne pas pouvoir satisfaire aux exigences de l'article L. 1221-1 du
Code du travail. 335. La Cnil est d'ailleurs généralement défavorable aux systèmes mettant en place une surveillance constante des salariés336 à moins qu'elle
ne soit justifiée « par une situation particulière ou un risque particulier auxquels sont exposées les personnes objets de la surveillance »337. Ainsi, dans l'appréciation de la proportionnalité, le principal élément susceptible de justifier la
surveillance constante est non pas le contrôle du salarié, mais la sécurité du lieu
et des salariés. Le second « espace temps » est extérieur au travail et recouvre
notamment les lieux de pause ou les cantines. L'utilisation de la vidéosurveillance est proscrite dans cet espace-temps, dès lors que cette dernière relève de la
vie privée ou personnelle. Il peut néanmoins en être autrement si l'employeur
établit par des justifications précises que son utilisation est proportionnée à la
seule finalité de protection des biens et personnes338. Le troisième espace-temps
se situe dans l'espace de l'entreprise, mais en un lieu ne permettant pas au dispositif d'enregistrer l'activité de salariés affectés à un poste de travail déterminé.
En ce cas, l'employeur a pleinement le droit d'y installer un dispositif de surveillance339. De ces orientations développées par les juges, il résulte qu'à l'instar de
la géolocalisation, l'utilisation de la vidéosurveillance à des fins d'évaluation
des salariés n'est pas admise.
332. Cf. infra n° 598 et s.
333. L'auteur considère d'ailleurs que ce caractère disproportionné est présent quel que soit le
but de cette surveillance : discipline, amélioration de la productivité, sécurité ou lutte contre les vols ;
M. Grévy, « Vidéosurveillance dans l'entreprise : un mode normal de contrôle des salariés ? », Dr.
soc. 1995, p. 329.
334. Ibid.
335. Ibid.
336. La mise en place de cache sur les caméras visant les postes de travail ne permet pas
nécessairement d'éviter la surveillance constante. Tel est notamment le cas s'ils permettent à
l'employeur de détecter en permanence les mouvements des salariés qui s'écarteraient de leur poste
de travail, Délibération CNIL n° 2010-112, 22 avr. 2010. De même la mise en place de 8 caméras
chacune équipée d'un microphone permettant l'écoute sonore et d'un haut-parleur visant les postes
de travail, une salle de réunion aussi utilisée comme réfectoire et le couloir de l'entreprise peut être
déclarée non conforme à la loi informatique et liberté : « il ressort du nombre, de la disposition, de
l'orientation des caméras et de la possibilité d'écoute du son que le dispositif de vidéosurveillance
mis en œuvre conduit à placer les salariés sous la surveillance constante et permanente de
l'employeur ». Un tel procédé n'est donc pas conforme à l'art. 6-3 de cette loi, selon lequel les données
doivent être « adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles
sont collectées et de leurs traitements ultérieurs ».
337. Délibération CNIL n° 2014-307 du 17 juillet 2014.
338. Sur la cantine : TGI St. Étienne, 19 avr. 1977, D. 1978, p. 123, note R. Lindon ; L'objectif
de protection des salariés amenés à manipuler des espèces, dans une entreprise qui avait déjà fait
l'objet de cambriolages est un objectif légitime, délibération CNIL n° 2014-307 du 17 juillet 2014.
339. À propos des entrepôts ou autres locaux de rangement dans lesquels les salariés ne
travaillent pas, Cass. soc. 31 janv. 2001, n° 98.44.290, Bull. Civ. V, n° 28.

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