Bibliothèque de droit public - Tome 311 - Le marché des autorisations administratives à objet économique - 240

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LE MARCHÉ DES AUTORISATIONS ADMINISTRATIVES À OBJET ÉCONOMIQUE

du 24 juillet 1994530. C'est enfin en violation de la loi que la pratique se développe. Catherine Mamontoff mentionne à ce sujet la clause de cessibilité insérée
dans certaines conventions domaniales531. En outre, certains gestionnaires peu
scrupuleux n'hésitent pas à présenter les garanties prévues par la législation sur
les baux commerciaux comme étant applicables à l'occupation privative du
domaine public532.
À l'opposé de choix désordonnés ou définitifs, l'autorité délivrante adapterait
en partie l'application des règles juridiques aux évolutions de la conjoncture économique. Comme le résume Catherine Mamontoff, « la loi du marché dégénère vers le
marché de la loi »533. L'administration appliquerait plus ou moins rigoureusement le
droit selon que le « marché domanial est à la hausse »534 ou « à la baisse »535. S'il est
constant que l'offre est aménagée pour susciter la demande, la réactivité de l'administration aux fluctuations du marché domanial est peut-être surévaluée.
335. Des illusions entretenues par le législateur. - Ce décalage entre apparence et réalité se retrouve dans les textes. Il prend la forme d'un alignement de
façade des innovations du droit administratif des biens sur les outils protecteurs
du droit privé. Les meilleurs exemples en sont certainement la conclusion du bail
emphytéotique administratif536 et la constitution de droits réels sur le domaine
public537. Loin d'une transposition des règles du droit privé, le législateur a opéré
une transformation - une « altération »538 - des mécanismes privatistes pour protéger les attributions de l'autorité administrative.
Si ces deux illustrations sont les plus visibles, la surévaluation formelle des droits
du bénéficiaire tirés du titre qui lui a été alloué trouve d'autres illustrations. Peut ainsi
être citée la possibilité de constituer des hypothèques sur le domaine public539, ou,
avant la récente loi du 18 juin 2014540, un fonds de commerce sur celui-ci. Sur ce
530. Loi n° 94-631 précitée.
531. A l'instar du port autonome du Havre ou de l'aéroport de Paris, ibid. p. 451.
532. De telles tromperies ne sont heureusement pas sans conséquences, le juge administratif
sanctionnant sévèrement les auteurs de ces promesses. V., pour une illustration récente, CE,
24 nov. 2014, Société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais, n° 352402.
533. C. Mamontoff, thèse préc., p. 349.
534. Hypothèse d'application rigide de la loi, ibid.
535. Hypothèse de contournement de la loi, ibid.
536. Le professeur Yves Gaudemet note que « si l'administration dispose d'un pouvoir
discrétionnaire à agréer, alors les sûretés que l'occupant domanial peut consentir sont factices :
l'administration pourra toujours bloquer la cession », Y. Gaudemet, « Les cessions et transmissions des
droits réels dans la loi du 25 juillet 1994 », JCP N 1996, 1263. Dénonçant des conditions juridiques
trop strictes, Catherine Mamontoff livre une analyse similaire, cf. C. Mamontoff, thèse préc., p. 45.
537. Le droit réel sur le domaine public n'est pas comparable à son lointain cousin du droit civil.
Dès lors que l'occupation n'est jamais opposable à l'administration, il ne s'agit pas vraiment d'un
droit réel. Le fondement du droit réel civiliste est en outre la propriété, laquelle demeure exclue en droit
domanial, qu'il s'agisse de la propriété du sol d'implantation ou des constructions réalisées. Le titulaire
n'est enfin jamais à l'abri du retrait à tout moment de l'autorisation d'occupation pour un motif
d'intérêt général, fût-elle constitutive de droits réels. V., sur cette question, cf. G. Eckert, Droit
administratif et commercialité, thèse, Strasbourg 1994, p. 469 et C. Mamontoff, thèse préc., p. 55 et s.
À trop vouloir rendre attractif le patrimoine des personnes publiques tout en leur garantissant le
contrôle, le législateur tombe parfois dans l'incohérence. La loi du 25 juil. 1994 reconnaît ainsi des
droits réels sur le domaine public artificiel de l'État, droits réels dont le bénéficiaire ne peut pourtant
pas disposer à sa guise.
538. G. Eckert, thèse préc., p. 510.
539. E. Fatome et P. Terneyre, art. préc., p. 905.
540. Loi n° 2014-626 précitée.

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