Bibliothèque de droit social - Tome 77 - Droit du travail et prévention - 115

LA PRÉVENTION EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ ÉCONOMIQUE DES PERSONNES

n'étaient pas ceux exercés initialement61. S'observe ainsi un phénomène d'obsolescence progressive des compétences face à la mutation rapide des emplois, risque
qui menace tant les salariés dans leur emploi, que ceux qui, l'ayant perdu,
cherchent à en retrouver un. Ainsi, le risque de l'inadaptation à l'emploi déborde
très largement le seul objet du droit du travail et des travailleurs salariés62.
C'est en marge de cette évolution que l'on voit apparaître des concepts non
juridiques tels qu'« adaptabilité » ou « employabilité »63. Ils trouvent cependant
leur traduction en droit du travail, car ils renvoient à cette nécessité d'adaptation
par la formation au sein de l'entreprise et plus largement sur le marché du travail.
En effet, il faut promouvoir la « capacité des salariés à occuper un emploi » par le
biais de la formation au sein du contrat de travail initial mais aussi au-delà, car la
sécurité de l'emploi dans l'entreprise n'est plus garantie64.
Tel est le sens d'un autre vocable : la « sécurisation des parcours professionnels »65, auquel se réfèrent les dernières grandes réformes du droit du travail66.
61. V. Conseil d'Orientation pour l'emploi, (COE) Les reconversions professionnelles, Colloque du
Conseil d'orientation pour l'emploi (COE), 26 septembre 2013, 52 p. Le rapport met en évidence un
phénomène de reconversions largement répandu sur le marché du travail : 56 % des actifs ont déjà
changé de métier ou de secteur d'activité au cours de leur carrière. Ces reconversions professionnelles se
font principalement à l'occasion d'une rupture de contrat. V. égal. MATUS (M.), PROVOKAS (N.), Du
chômage à l'emploi : une mobilité professionnelle importante et complexe, Éclairages et synthèses, n° 2,
avril 2014, Pôle emploi, 8 p. ; FLAMAND (J.), Dix ans de transitions professionnelles : un éclairage sur le
marché du travail français, France Stratégie, Document de travail, n° 2016-3, mars 2016, 69 p.
62. Conseil d'Orientation pour l'emploi (COE), L'éloignement durable du marché du travail,
1er octobre 2014, 212 p. ; Conseil d'Orientation pour l'emploi (COE), Emplois durablement vacants et
difficultés de recrutement, 30 septembre 2013, 192 p. ; ASKENAY (P.), Prévenir les gâchis de
compétence et de qualification en France, Travail et emploi, n° 118, avril-juin 2009, p. 99.
63. CHASSARD (Y.), BOSCO (A.), L'émergence du concept d'employabilité, Dr. soc., 1998, p. 903.
64. La notion de « capacité des personnes à occuper un emploi » doit semble-t-il être préférée à celle
d'employabilité qui nous l'avons vu n'est pas juridique et qui selon certains auteurs impliquerait la
soumission du droit du travail à des impératifs économiques, dans une logique purement gestionnaire. En ce
sens v. not. MAGGI-GERMAIN (N.), La capacité du salarié à occuper un emploi, Dr. soc., 2009, p. 1234.
65. GAZIER (B.), TUCHSZIRER (coord.), Sécuriser les parcours professionnels. Initiatives et
responsabilités, Rueil-Malmaison, Liaisons, 2015, 190 p.
66. FAVENNEC-HERY (F.), La sécurisation des parcours professionnels, sésame de toutes les
réformes ?, Dr. soc., 2007, p. 1105, selon laquelle « le concept de sécurisation des parcours professionnels,
brandi comme un étendard par les uns et par les autres, repose sur l'observation d'une réalité : celle de
l'augmentation inéluctable de la mobilité professionnelle au cours de la vie active. Il s'agit d'en tirer les
conséquences sur le fonctionnement du marché du travail. Une plus grande mobilité de la main d'œuvre
est nécessaire afin de faire face aux aléas de l'activité et aux exigences de qualification des salariés » . On
remarquera comme l'auteur que si la notion est très usitée par le législateur, elle l'est parfois dans des sens
quelque peu différents car le flou du concept le permet. En particulier, elle se trouve parfois imbriquée
avec le développement d'une logique de flexibilité, dans le but de promouvoir cette dernière. V. not. la loi
du 14 juin 2013, précitée, relative à « la sécurisation de l'emploi » : « Renforcer la sécurité de l'emploi est
le défi de notre société au niveau de chaque salarié dans son parcours professionnel comme au niveau
collectif de l'entreprise. La sécurisation de l'emploi passe par trois objectifs, qui sont parfois vus comme
divergents mais que la négociation a su articuler : la protection et l'accompagnement des salariés,
prioritairement ceux qui voient leur emploi menacé ou subissent une forte précarité ; les capacités
d'adaptation dans les entreprises pour développer ou préserver l'activité et l'emploi et d'abord la capacité
d'anticipation, face aux mutations qui s'accélèrent dans un contexte de concurrence internationale
renforcée ; l'affirmation du dialogue social avec un rôle accru des salariés et de leurs représentants, tant
dans les actions d'anticipation que d'adaptation, lorsque la situation de l'entreprise est objectivement
difficile. Le présent projet de loi donne sa traduction concrète à cette articulation. Son sens n'est pas un
échange entre « flexibilité pour les entreprises » et « sécurité pour les salariés » ou à l'inverse « flexibilité
pour les salariés » et « sécurité pour les entreprises » il est l'affirmation d'un nouvel équilibre où l'un et
l'autre des acteurs gagnent en sécurité sans perdre en capacité d'adaptation et de mobilité. C'est l'enjeu

Bibliothèque de droit social - Tome 77 - Droit du travail et prévention

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit social - Tome 77 - Droit du travail et prévention