Bibliothèque de droit social - Tome 77 - Droit du travail et prévention - 160

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DROIT DU TRAVAIL ET PRÉVENTION

où le principe de précaution est implicitement visé82, il apparaît que le principe de
précaution n'est pas applicable en tant que tel, mais de manière « dérivée »83,
c'est-à-dire de manière indirecte et médiate pour reprendre la terminologie que
nous adopterons pour questionner son application au droit du travail.
Ainsi, s'il faut reconnaître que le principe de précaution, ou, à tout le moins, sa
philosophie, exerce indéniablement une influence sur le droit de la responsabilité civile84,
il n'en demeure pas moins qu'en l'état actuel du droit, les personnes privées ne peuvent
voir leur responsabilité civile engagée sur le fondement du principe de précaution85.
162. En outre, l'application du principe de précaution semble exclue en
matière de responsabilité pénale où le principe de légalité86 fait obstacle à son
application directe87. Elle ne peut, dès lors, être un fondement de la responsabilité
pénale88, ni même être une cause d'exonération de cette responsabilité89.
En définitive, la normativité du principe de précaution est désormais bien établie, et quelques lignes directrices permettent d'en tracer les contours. Toutefois, la
matière demeure sujette à interprétation et certainement promise à des évolutions90.
C'est à l'aune de ce principe controversé qu'il convient de déterminer si le
droit du travail évolue d'une logique de prévention à une logique de précaution.
82. V. not. Cass. 1e civ., 7 mars 2006, n° 04-16.179, Bull. civ. I., n° 142.
83. En ce sens v.  NOIVILLE (C.), La lente maturation jurisprudentielle du principe de
précaution, D., 2007, p. 1515.
84. Sur l'influence du principe de précaution en droit de la responsabilité civile et donc sur
l'obligation de sécurité de l'employeur, v. développements supra n° 179 et s.
85. En ce sens v. l'article 5 de la Charte de l'environnement (précitée) qui ne s'adresse qu'aux
autorités publiques. V. égal. Assemblée nationale, TA n° 837, Résolution sur la mise en œuvre du principe
de précaution, résolution précitée, spéc. point 7.
86. Article 111-3 du Code pénal.
87. Ainsi que le soulignent Philippe Kourislky et Geneviève Viney, le principe de légalité est « un
rempart naturel contre l'effet direct du principe de précaution », KOURILSKY (P.), VINEY (G.), Le
principe de précaution, rapport précité, cit. p. 76. Dans le même sens voir MARTIN (G.), Précaution
et évolution du droit, article précité ; ROETS (D.), Réflexion sur les possibles implications du principe
de précaution en droit pénal de l'imprudence, RSC, 2007, p. 251 ; GALLOIS (A.), Quelle place pour
le principe de précaution dans le droit de la responsabilité pénale ?, RDSS, 2013, p. 801.
88. L'hypothèse de poursuites pénales engagées sur le fondement du principe de précaution semble en
effet devoir être écartée. Un manquement à la précaution pourra être sanctionné par une incrimination
« précautionneuse » précise, c'est-à-dire une loi pénale spéciale visant un défaut de précaution prévu par un
texte, mais ne semble pas susceptible d'être appréhendé pénalement du fait d'un défaut général de précaution
qui ressortirait d'un principe de précaution sans texte, immanent. Cependant, les auteurs font état d'un
certain nombre de difficultés. Entre l'incrimination précise, susceptible de donner lieu à des poursuites
pénales, et l'incrimination générale de défaut de précaution, qui n'existe pas en droit du positif et qui a peu
de chances de voir le jour, il existe des incriminations vagues dans lesquelles pourrait s'introduire le principe
de précaution. Il s'agit de l'homicide et des blessures involontaires ainsi que de la mise en danger d'autrui -
qui nous intéressent particulièrement dans la mesure où ces infractions sont susceptibles d'engager la
responsabilité de l'employeur en cas de manquement à la prévention en matière de santé au travail. Mais, là
encore, il convient de relativiser. Le lien de causalité certain exigé en matière d'homicide et de blessures
involontaires devrait constituer une barrière efficace contre l'application d'un principe de précaution
immanent. De manière analogue, l'exigence de la violation d'une obligation particulière de prudence ou de
sécurité prévue par la loi ou le règlement, constitutive du délit de mise en danger d'autrui, s'oppose à ce que
soit pénalement sanctionné un manquement à un devoir général de précaution. Sur ces infractions
susceptibles d'engager la responsabilité pénale de l'employeur, v. développements infra n° 244 et s.
89. Au nom du principe de précaution, des faucheurs volontaires d'OGM ont tenté, en vain, d'obtenir
une relaxe sur le fondement de l'état de nécessité. V. not. Cass. crim., 7 février 2007, n° 06-80108, Inédit.
90. Sur la prudence qui s'impose dès lors qu'il s'agit de déterminer la portée du principe de
précaution compte tenu de l'appréciation contrastée qui en faite par la doctrine v. GAILLARD (E.),
Principe de précaution - Droit interne, fascicule précité, spéc. n° 181 et s.
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