Bibliothèque de droit social - Tome 77 - Droit du travail et prévention - 173

LA PRÉVENTION PAR LA PRÉCAUTION AU TRAVAIL

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des affaires où la preuve d'une causalité certaine ne peut être apportée, faute de
certitude scientifique, les juges admettent cette preuve par des précisions graves,
précises et concordantes159, voire un renversement de la preuve dans certaines
hypothèses160, qui toutefois demeurent rares161.
180. Ainsi, le principe de précaution, s'il n'est pas d'application directe pour
les personnes privées, influe néanmoins sur la responsabilité civile pour favoriser
les comportements précautionneux162. Cela se vérifie concernant l'obligation
aux autorités publiques compétentes en la matière. En effet, selon la Cour de cassation « l'action
tendant à obtenir l'enlèvement d'une station radioélectrique régulièrement autorisée par l'autorité
administrative ne relève pas de la compétence du juge judiciaire ».
159. Cass. 1re civ., 22 mai 2008, plusieurs arrêts dont n° 05-20.317, Bull. civ. I, n° 148 : « en se
déterminant ainsi, en référence à une approche probabiliste déduite exclusivement de l'absence de lien
scientifique et statistique entre vaccination et développement de la maladie, sans rechercher si les
éléments de preuve qui lui étaient soumis constituaient, ou non, des présomptions graves, précises et
concordantes du caractère défectueux du vaccin litigieux, comme du lien de causalité entre un éventuel
défaut et le dommage subi par M. X..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».
160. V. not. Cass. 1re civ., 24 septembre 2009, n° 08-16.305, Bull. civ. I, n° 187 : « attendu que
pour débouter les consorts X.., Y... de leur demande en réparation de leurs préjudices dirigée contre
les deux laboratoires, l'arrêt retient que le fait que ceux-ci aient tous deux mis sur le marché la molécule
à l'origine du dommage, fait non contesté, ne peut fonder une action collective, ce fait n'étant pas en
relation directe avec le dommage subi par Mme  Y..., et qu'aucun élément de preuve n'établissait
l'administration à celle-ci du distilbène fabriqué par la société UCB Pharma ni du Stilboestrol Borne
fabriqué par la société Novartis santé familiale ; Qu'en se déterminant ainsi, après avoir constaté que
le distilibène avait bien été la cause directe de la pathologie tumorale, partant que Mme Y... avait été
exposée in utero à la molécule litigieuse, de sorte qu'il appartenait alors à chacun des laboratoires de
prouver que son produit n'était pas à l'origine du dommage, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».
161. Les cas où le renversement de la preuve est admis sont rares, la règle demeure, dans le cas
où une causalité certaine peut difficilement être rapportée, d'établir des précisions graves, précises et
concordantes. En ce sens v. Cass. 3e civ., 18 mai 2011, n° 10-17.645, Bull. civ. III, n° 80 : « mais attendu
qu'ayant énoncé à bon droit que la charte de l'environnement et le principe de précaution ne
remettaient pas en cause les règles selon lesquelles il appartenait à celui qui sollicitait l'indemnisation
du dommage à l'encontre du titulaire de la servitude d'établir que ce préjudice était la conséquence
directe et certaine de celui-ci et que cette démonstration, sans exiger une preuve scientifique, pouvait
résulter de présomptions graves, précises, fiables et concordantes, la cour d'appel, qui a relevé que des
éléments sérieux divergents et contraires s'opposaient aux indices existant quant à l'incidence possible
des courants électromagnétiques sur l'état des élevages de sorte qu'il subsistait des incertitudes
notables sur cette incidence et qui a analysé les circonstances de fait dans lesquelles le dommage s'était
produit, a pu retenir, sans inverser la charge de la preuve, que, compte tenu de l'ensemble des
explications et données fournies, l'existence d'un lien de causalité n'était pas suffisamment caractérisée
et en a exactement déduit que les demandes d'indemnisation du GAEC ne devaient pas être admises ».
Le Professeur Muriel Fabre-Magnan souligne à ce propos que, sous réserve de rares exceptions, le jeu
du principe de précaution ne permet pas d'aller plus loin et de condamner quelqu'un sans
démonstration que son fait ait été à l'origine du dommage (FABRE-MAGNAN  (M.), Droit des
obligations 2- Responsabilité civile et quasi-contrats, Paris, Presses Universitaires de France (PUF),
collection Thémis droit, 3e édition, 2013, 523 p., p. 212 et s.).
162. Soulignons ici que par rapport aux attentes que formulait la doctrine quant au renouvellement
du droit de la responsabilité civile par le principe de précaution, quelques espoirs ont été déçus. Il en est
ainsi en particulier, et nous l'avons souligné, du lien de causalité pour lequel le principe de précaution
aurait pu conduire à un renversement systématique de la charge de la preuve, or tel n'est pas le cas, la
Cour de cassation ayant rappelé que le principe de précaution ne remet pas en cause le principe selon
lequel il appartient au demandeur d'apporter la charge de la preuve (Cass. 3e civ., 18 mai 2011, arrêt
précité). Sur ce bilan en demi-teinte de l'influence du principe de précaution en droit de la responsabilité
civile v.  BOUTONNET (M.), Bilan et avenir du principe de précaution en droit de la responsabilité
civile, D., 2010, p.  2662. V. égal. pour une analyse en droit comparé de l'influence du principe de
précaution sur le droit de la responsabilité civile : HAUTEREAU-BOUTONNET (M.), La fonction
préventive du principe de précaution en droit comparé de la responsabilité civile. Un premier bilan sous
le signe du paradoxe, in ROUSSEAU (F.), FOUCHER (K.), Les réponses du droit aux crises sanitaires.
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